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Du Charpentier au Colonel: Jean Kina et la révolution de Saint-Domingue
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David Patrick Geggus
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NDLR : Pour obtenir une lecture adéquate de la période coloniale d?Haïti, il faut meubler son esprit et sa bibliothèque personnelle des ouvrages de l?érudit historien David Patrick Geggus. Nous retenons, entre autres, deux titres, à savoir : Slavery, War and Revolution : The British occupation of Saint Domingue (Oxford UP, 1982) et en co-rédaction A Turbulent Time : The French Revolution abd the Greater Antilles (Indiana UP, 1997). Depuis dix huit ans, monsieur Geggus est professeur d?Histoire à l?Université de Floride située à Gainesville. Des années employées, certes, à dispenser la connaissance historique mais aussi à fouiller tous les arcanes de l?esclavage aux Antilles et la Révolution haïtienne. Il persiste et signe. Au printemps de 2001, les Presses de l?Université de la Caroline du Sud publieront «The Impact of the Haitian Revolution in the Atlantic World». Un peu plus tard, les presses de l?université de l?Indiana rouleront pour imprimer «Haitian Revolutionary Studies». Actuellement, il s?adonne corps et âme à l?étude du soulèvement de 1791 et l?essor de Toussaint Louverture. Bien qu? il déborde, de bâbord, à tribord, de la proue à la poupe, c?est avec une élégance toute anglaise qu?il nous a accordé la permission de reproduire l?un de ses articles paru dans la Revue de la Société Haïtienne d?Histoire et de Géographie en septembre-décembre 1989, vol. 46, no. 164. Il est reproduit intégralement dans sa forme originale, sans altération, sans modification soit de style, soit de l?orthographe. Vous trouverez le curriculum vitae et la bibliographie de monsieur David Patrick Geggus à l?adresse suivante : http://www.clas.ufl.edu/users/dgeggus/Index.htm
Dans les derniers mois de 1791, alors que Toussaint Bréda commençait à se poser comme un leader parmi les esclaves rebelles qui dévastaient le Nord de Saint-Domingue, apparut parmi les esclaves de la province du Sud, près de 300 kilomètres plus loin, un chef d?un type plutôt différent. Bien que combattant habile dans la guérilla, respecté à la fois par les blancs et les noirs, l?égal de Toussaint lui-même diront plus tard quelques-uns (avec sans doute une bonne touche d?exagération), Jean Kina ne se battait pas pour renverser, mais pour défendre le régime esclavagiste.1
Jean Kina était un peu plus jeune que Toussaint. En 1791, il n?avait probablement pas encore 40 ans2. L?origine de son nom nous est inconnue, et nous ne savons pas s?il naquit en Afrique ou s?il était comme Toussait, créole. Deux documents anglais des années 1793-94 le désignent comme « African », mais d?une façon assez vague qui laisse supposer que ce terme n?a d?autre sens que « nègre » ou « noir » 3 . Devenu célèbre, Jean Kina se disait plus tard « natif de Tiburon, fils naturel de Louise-Anne (Louison) », mais il est possible qu?à cette époque il ait voulu cacher ses origines, 4 et aucun document contemporain ne le désigne spécifiquement comme créole. Quoi qu?il en soit, compte tenu qu?il avait en 1791 un fils de plus de 20 ans, Jean Kina devait avoir passé la plus grande partie de sa vie à Saint-Domingue. Sinon créole, c?est au moins un Africain créolisé.
Comme Toussaint, Kina appartenait à l?élite des esclaves. Il était apparemment charpentier, et il semble qu?il avait vécu sur une cotonneraie dans la petite baie de Carcasses, près du hameau de Tiburon. Son propriétaire, Guillaume Laroque-Turgeau, résidait depuis longtemps dans la colonie. A Saint-Domingue, le coton était réputé la culture qui demandait le moins d?efforts5 et on pourrait supposer que la forme d?esclavage expérimentée par Jean Kina était du type patriarcal, sur une petite échelle et relativement légère quant à la charge du travail. En tant qu?artisan sur une petite propriété, il vivait probablement une existence indépendante et était libre de se louer à gages dans le bourg voisin et sur les plantations, le long de la côte.
La paroisse de Tiburon était une des plus isolées de la colonie. C?était une région boisée parsemée de petites plantations de café ou de coton, là où le massif de la Hotte surplombe la mer. Sur ses 90 plantations, il n?y avait que 4,000 esclaves. Sa population blanche, par contre, dépassait 550 âmes, et il y vivait aussi 220 gens de couleur libres. 6 De telles proportions relativement élevées de libres par rapport aux esclaves et de blancs par rapport aux noirs et métis auraient dû faciliter le gouvernement des esclaves. Au-delà des questions de surveillance et d?équilibre des forces, une telle situation favorisait l?effacement des cultures africaines et l?imposition de la langue, des valeurs et des croyances des maîtres. 7 Il n?est donc pas très étonnant si, en temps de guerre sur cette côte exposée, les planteurs avaient coutume d?armer leurs esclaves pour leur propre défense. « Ces braves colons », écrivit un observateur en 1788, « sont presque tous des artilleurs et leurs nègres sont soldats? l?expérience prouve qu?on n?en a retiré que de bons effets. 8
De plus, si Jean Kina était bien Africain créolisé, il aurait appartenu à un groupe que l?on peut considérer comme le moins remuant des esclaves antillais. Bien que les noirs récemment importés, figuraient en grand nombre parmi les esclaves fugitifs, les contemporains avaient tendance à s?accorder sur le fait que les esclaves les plus loyaux étaient Africains. Une fois établis dans la colonie, ils fuyaient rarement et l?on peut concevoir que l?Africain créolisé qui pour la seconde fois de sa vie avait péniblement retrouvé des racines, appréciait hautement la stabilité. 9
Quand la Révolution française toucha Saint-Domingue, telles étaient donc les circonstances qui allaient produire « le bon nègre » idéal des planteurs, défenseur farouche du royalisme, de l?esclavage et de la suprématie des blancs. Isolés et divisés sur leurs petites plantations, les esclaves de Tiburon restèrent apparemment tranquilles lorsqu?en août 1791, ceux des sucreries du Nord se révoltèrent. A part quelques attroupements sans lendemain, 10 les esclaves du Sud ne semblent pas avoir bougé avant la fin de l?année quand les gens de couleur libres se soulevèrent en demandant l?égalité avec les blancs. Plusieurs ateliers marchèrent avec eux, et les mulâtres n?hésitèrent pas à les armer et à leur promettre la liberté. Il n?est pas clair qu?ils se rallièrent aux gens de couleur de leur propre volonté ou que l?on dût les y forcer. 11 Il était à prévoir néanmoins qu?au milieu d?une guerre civile, la masse des esclaves ne resteraient pas longtemps spectateurs indifférents. A la fin de 1791, les colons blancs décidèrent, eux aussi, d?armer un dixième de leurs esclaves. 12
C?est au début de 1792 que Jean Kina sort de l?obscurité de sa plantation, quand la commune de Tiburon l?affranchit avec le consentement de son maître. 13 Les planteurs avaient armé les plus forts de leurs esclaves et ils mettent Jean Kina, paraît-il, à leur tête. « Ce nègre », dit-on, « est craint absolument de tous les brigands et non brigands, mulâtres et nègres. Son aspect les fait trembler . » . 14 Prompt à se mettre en colère, il semble avoir partagé cette mentalité, commune aux blancs et esclaves, qui regardait les gens de couleur libres comme objets d?envie mais non de respect. C?est un paradoxe, bien sûr, puisque Kina lui-même est maintenant homme de couleur libre. Néanmoins, il refuse d?accepter son affranchissement, et quoique sa liberté soit ratifiée par le Gouvernement et l?Assemblée Coloniale, il résiste longtemps, paraît-il, à ce changement de statut . 15
Le nombre en hommes de sa troupe fluctuait. Parfois, il montait jusqu?à 500, mais normalement Jean Kina commandait un corps de 200 hommes, affranchis comme lui, et qui se montraient indomptables dans la guerre de montagne. En janvier 1793, ils se distinguèrent dans l?attaque du repaire des esclaves révoltés aux Platons où six mois auparavant une armée menée par le Gouverneur fut mise en déroute. Bien qu?il ne commande cette fois que 180 hommes et que l?armée des colons en ait 1,900, y compris 300 troupes de ligne, tout le monde s?accorde sur le fait que c?est grâce à sa troupe déguenillée et nu-pieds qu?a été gagnée la victoire. 16 Un procureur d?habitation précise à ce sujet :
« Jean Kina, chef des nègres des Ances , qui est nègre lui-même et qui n?a sa liberté que depuis six mois est venu en ville à cause d?une balle qu?il a reçue à l?épaule gauche, m?a dit que les blancs ni même les hommes de couleur n?étaient pas en état de faire de pareille guerre et qu?il n?était pas possible de monter aux Platons avec des souliers aux pieds, et que les pieds tendres des blancs ne pouvaient y soutenir. Il a bien raison. » 17
Néanmoins, les gens de couleur libres étaient des soldats talentueux, bien adaptés au climat et au terrain, et les blancs avaient besoin d?hommes qui pouvaient les rencontrer à égalité. La capacité de gravir rapidement des pentes raides et rocheuses, de man?uvrer en silence dans des forêts de montagne, de marcher sans fatigue sous un soleil vertical, de dépister et de dresser des embuscades, tout cela était à la base du pouvoir de Jean Kina. Cependant, ce n?était pas sa seule utilité pour les planteurs. Il faisait travailler les esclaves, et il possédait en sus une certaine valeur de symbole, pas seulement à cause de ses talents de guerrier, mais aussi son exemple était considéré comme un soutien important du régime esclavagiste du Sud. Il démontrait comment devrait se comporter un « bon nègre » et bien plus la façon selon laquelle on pourrait récompenser les fidèles.
Le 10 mai 1792, le Gouverneur et l?Assemblée Coloniale ratifièrent la manumission de Jean Kina, et en juillet l?Assemblée lui décerna une médaille et lui accorda une pension de 300 livres par an. 18 C?était la moitié de ce que recevaient les gens de couleur libres à qui furent accordées des pensions. Quoique Kina ne reçût jamais cette pension, il semble avoir joui d?une certaine aisance. Pendant l?été 1793, les colons de la Grand?Anse payaient 100 pistoles par mois pour le nourrir lui et sa famille, somme qu?ils réduisirent dès lors à 500 livres par mois. 19 A la fin de 1793, Kina acheta un emplacement dans le hameau des Irois, à quatre ou cinq heures de Tiburon, et au début de 1795, on lui accorda permission de jouir d?un autre terrain situé dans la ville de Jérémie. 20
Au lendemain de la grande attaque des Platons, les troupes de Jean Kina voulurent retourner à Tiburon, chez leurs maîtres apparemment, à la défense desquels elles s?étaient plus particulièrement dévoués. L?Assemblée Paroissiale des Cayes, cependant, l?invita à rester dans sa dépendance pour achever l?écrasement des nègres révoltés qui avaient cherché refuge au morne Macaya. Kina demanda en revanche d?accroître son armée par des esclaves fournis par les colons des Cayes. 21 Au début, paraît-il, il demandait 1,000 hommes de renfort, 22 mais on ne parlait que de 360 lorsque, le 6 février, l?Assemblée mit à l?ordre du jour « la nécessité indispensable d?augmenter la compagnie de Jean Quina, extrêmement diminuée par les maladies et par la mort de ceux qui ont péri par la suite cruelle ou dans les combats. » 23
Au cours des années 1792 et 1793, le pouvoir des colons blancs s?effondrait dans presque toutes les régions de Saint-Domingue sous les assauts des gens de couleur libres, des esclaves révoltés et enfin des Commissaires Civils envoyés de Paris qui, en août 1793, déclarèrent aboli l?esclavage. Mais à l?extrémité de la péninsule du Sud, « les paroisses unies de la Grand?Anse» parvenaient à résister, grâce à leur isolement géographique et à la part relativement grande de blancs dans leur population. Quand la guerre éclate entre la France et l?Angleterre, des troupes britanniques débarquent dans la Grand?Anse à la demande de ces planteurs. Pour cinq années (septembre 1793 ?septembre 1798), ils seront installés dans plusieurs régions de l?Ouest et du Sud, où ils essaieront de préserver ou de consolider le régime esclavagiste. 24
Jean Kina et ses hommes se rallièrent aux Anglais avec leurs maîtres. La frontière de la zone d?occupation suivait la crête du massif de la Hotte pour atteindre la mer entre les Irois et la baie des Carcasses. Il est possible que la troupe de Kina se trouvât déjà aux Irois, lorsque les Anglais arrivèrent le 20 septembre. Mais il est plus probable qu?il déserta de Tiburon quelques jours après avec son commandant, le chevalier de Sevré. Un capitaine britannique vit cette troupe aux Irois au début d?octobre et nous a laissé ce portrait : « C?est un homme d?âge moyen, bien portant et d?une grande fidélité, ayant refusé à plusieurs reprises la liberté qu?on lui offre? Plus vigoureux, rusé et courageux que la généralité des nègres, il a gagné sur eux une grande influence et sous ses ordres ils sont restés sans être corrompus par leurs voisins mal-intentionnés. Dans une guerre de brousse que, seuls, ils savent entreprendre, ils les ont maintes fois beaucoup harcelés. Leur aspect, comme vous pouvez imaginer, était très grotesque. Au lieu du tambour et du fifre, ils utilisaient le « Banger » et la flûte des Coromantees, les instruments de musique de leurs pays natals. Les uns portaient des armes à feu, les autres des serpes attachées à de longues perches et des « Bangers » de gardien de plantation. La plupart étaient très mal habillés en jupons d?Osnaburgh. » 25
Les colons blancs parlaient hautement de la valeur du corps. Les occupants en furent vite convaincus. Ils promirent aux guerriers de Kina la solde et l?habillement des soldats anglais, et on leur distribua immédiatement des souliers, symboles de la liberté dans la société créole. A Kina lui-même, les commandeurs britanniques veillèrent à donner des marques de respect. On le fit colonel et il reçut à plusieurs reprises des épées de cérémonie, un sabre, un portrait de George III, aussi bien que des dons d?argent. Dans leur correspondance avec les ministres à Londres, ces commandeurs écrivaient « mon ami Jean Kina » ou « le brave Jean Kina », peut-être avec condescendance, mais avec affection aussi, et ils étaient conscients du rôle important qu?il jouait. 26 Les troupes britanniques étaient en petit nombre et les soldats mouraient vite, du paludisme et surtout de la fièvre jaune. 27 Des soldats immunisés contre les maladies du pays étaient un atout dans les camps malsains de la côte, où ils devaient repousser de nombreuses attaques de l?armée d?André Rigaud.
Jusqu?au mois de février 1794, le corps de Kina resta dans les environs des Irois, gardant la frontière montagneuse de la Grand?Anse. Là, sur un monticule qui s?élève au milieu de la plage, les colons érigèrent un fortin aux murailles de terre dont quelques vestiges existent encore. « Colonel des Africains sous les ordres du Roi », Kina écrivit pendant ce temps plusieurs lettres aux gens de couleur de Tiburon qui se battaient pour la République et qu?il espérait gagner à sa cause. Elles sont d?un intérêt tout particulier. Bien qu?il ne les écrivît pas lui même, - il savait signer, mais ne pouvait lire et parlait peu le français ? elles nous révèlent un peu de sa manière de penser et de ses relations avec les anciens libres. 28 A plusieurs d?entre eux, il écrit en ami. L?un, Jean-Pierre Dumont, avait déjà commandé sous ses ordres. « Les commissaires et Rigaud », lui dit-il, « ne veulent que notre destruction et votre ruine? Je t?ai toujours regardé comme un fils. Tu trouveras toujours ta compagnie à commander. Le meilleur parti est de vaincre ou mourir pour un Roy. »
« Tu ne m?as jamais fait confiance, » reproche-t-il à un autre qui s?appelle Tattayt. « Souviens-toi comme tu étais mille fois plus heureux quand tu avais un Roy; personne ne te chagrinait; personne ne te disait rien. Tu allait (sic), tu venait ou bon te semblait. Tu ne prenait un fusil que pour aller à la chasse, au contraire qu?au présent tu est obligé (sic) d?en avoir continuellement, et pourquoi? Pour détruire des hommes comme toi ou pour te faire détruire. »
Au commandant Tureau, il écrit :
« L?erreur qui aveugle aujourd?hui grand-nombre de Noirs qui croyent à la liberté, enfants de la cupidité et du fanatisme polvérisé?29 Contribuez au moyen de réduire cette classe d?hommes sans laquelle nous ne pouvons rien dans cette isle infortunée. Je n?ai jamais approuvé la conduite qu?on a tenu envers vos frères, lorsqu?ils se rendirent au camp des Irois dans de bonnes intentions? Je ne suis cruel que les armes à la main. »
Il parlait apparemment des atrocités commises par les planteurs envers leurs prisonniers.
Et aux esclaves eux-mêmes :
« Malheureux esclaves! L?on vous a amusé du beau nom de Libre, lorsqu?il n?est qu?illusoire? C?est en remplissant vos devoirs envers vos maîtres que vous le deviendrez. »
Une femme de couleur, Elizabeth Gason, écrit à ses frères, « Jean Kina nous sert de père à tous. »
Au début de février 1794, des troupes britanniques débarquèrent à Tiburon et le hameau fut vite abandonné par ses défenseurs. Le corps de Jean Kina ne semble pas avoir participé à l?attaque, mais il fut immédiatement après installé dans le grand fort qui surplombait le hameau et la baie. Le mois suivant, l?armée de Rigaud revint en force pour attaquer le fort. Au cours d?une bataille acharnée, les Républicains surent faire sauter la poudrière du fort, et ce ne fut qu?une sortie hardie par la troupe de Jean Kina qui à la onzième heure gagna la journée. 30 Kina fut de nouveau blessé et ses hommes en étaient si fâchés qu?ils forcèrent leurs prisonniers, avant de les tuer, à lécher ses blessures. « Le roi n?a pas de meilleur ami, » écrivit en juillet le colonel Whitelocke, « que Jean Kina dont l?attachement à la royauté est aussi frappant que l?honneur et l?intégrité. » 31
Le colonel ajouta que Kina n?avait accepté que depuis peu de temps sa manumission, et il décrivit sa troupe comme une « milice nègre » dont le nombre en hommes fluctuait entre 200 et 500. Cela suggère que jusque-là seulement une minorité des hommes avait reçu leur liberté et qu?ils étaient renforcés au besoin par des levées d?esclaves sur les plantations. Pendant l?été de 1794, les Anglais levèrent dans la plaine de l?Artibonite un autre « corps noir », et à partir de l?automne, ils commencèrent à recruter plusieurs régiments de Chasseurs sur les plantations de l?Ouest et du Sud. Bien que les Républicains aient reconnu depuis juillet 1793 la liberté de tous les esclaves sous les armes, le corps de Kina y compris, 32 les Anglais ne promettaient d?affranchir leurs soldats noirs qu?après cinq années de service. En septembre 1794, le corps de Jean Kina fut mis sur le même pied.
C?est à cette époque que la troupe, installée dans le fort de Tiburon33 manifestait sa plus grande importance. L?armée britannique diminuait vite, ses soldats abattus par la fièvre jaune. On avait grand besoin de soldats « faits au pays ». En décembre cependant, la troupe de Kina fut décimée quand les Républicains assiégèrent le fort avec 300 hommes. L?artillerie d?André Rigaud le bombarda sans cesse pendant quatre journées, et lorsqu?une bombe éclata dans le fossé où s?accroupissaient les hommes de Kina,, ils furent enfin pris de panique. Ils baissèrent le pont-levis, fuirent à travers les montagnes, et tombèrent sur une embuscade dressée par la bande de Gilles Bénech, aux Irois. Sur 450 défenseurs, 300 furent tués. De tous les désastres militaires dont souffriront les Anglais pendant les cinq années de l?occupation, ce fut peut-être le pire. 34
Les restes de la troupe de Kina furent déplacés vers Port-au-Prince, où ses officiers furent logés dans une maison délabrée, sans porte ou fenêtres. 35 Pendant les dernières trois années de l?occupation britannique, Jean Kina devait jouer un rôle beaucoup moins important. Il commandait moins de soldats et sa troupe de servait que pour les patrouilles de nuit dans les environs de la capitale. Elle ne semble pas avoir participé aux campagnes de 1795-96 qui agrandirent la zone d'occupation. Avant tout, elle fut alors éclipsée par les régiments de Chasseurs de 800 hommes, que commençaient à lever les Anglais sur les plantations.
Pendant les années 1795-98, des milliers de noirs dominguois allaient devenir des défenseurs armés et loyaux du régime esclavagiste. Ce n?est pas un phénomène rare dans les sociétés coloniales. L?argent, un estomac plein et le prestige de l?uniforme jusqu?à un certain point, ces attraits étaient ceux qui déterminent les hommes jeunes dans n?importe quel groupe social pauvre et opprimé à devenir soldat. Cependant, pour des esclaves au bas de la hiérarchie de la plantation, l?appel devait avoir plus de force. Trois cents grammes de viande chaque jour, fraîche parfois, la ration d?un soldat, représentaient une amélioration substantielle du commun, et des gages de 6 pence, plus tard de 8 pence étaient une richesse relative en plus. L?uniforme aussi, pour des hommes qui normalement allaient nus six jours sur sept, et qui en outre s?endimanchaient le septième, devait avoir un attrait singulier. Bien plus, le passage des pieds nus aux chaussures était lui-même chargé de symbolisme. Car, avant tout, le service militaire signifiait la liberté, une libération immédiate de la plantation, et éventuellement au bout le statut d?homme libre. Et bien mieux, tout cela était garanti non par les autorités balbutiantes et obscures de la Révolution, mais par un roi et des planteurs. Etant les sources traditionnelles du pouvoir dans le monde colonial, ils donnaient l?image d?une certaine sécurité alliée à une idéologie de la légitimité et de la hiérarchie fort compréhensibles qui s?exprimait comme d?habitude au travers des médailles, des cérémonies et des drapeaux. Par la remise de médailles à leurs esclaves, les planteurs montraient depuis 1792 une générosité peu habituelle, et la tunique écarlate n?était pas bien sûr uniquement un vêtement flamboyant, mais aussi l?habit du roi. 36
Chaque régiment des noirs, y compris celui de Jean Kina, avait son propre aumônier qui était non seulement chargé de leur inspirer l?amour de la religion, mais aussi de terminer chaque prière par trois cris de « Vive le Roy » et chaque service dominical avec « Dieu garde sauf le Roi », l?hymne national britannique. 37 Attirés par les possibilités de la vie militaire et peut-être aussi par l?idéologie qui l?accompagnait, la plupart des Chasseurs noirs étaient des Africains. La majorité avait probablement été élevée dans les sociétés monarchiques. Tous portaient des vestons rouges, des pantalons de grosse toile et un chapeau rond garni d?un panache. Les hommes de troupe étaient armés d?un mousquet et d?une machette.
Tandis que ces « Chasseurs Royaux de George III » de Jean Kina devenaient de plus en plus un corps d?anciens libres, au début de 1795, Kina fut autorisé d?aller recruter dans les prisons de la Jamaïque, parmi les hommes déjà déportés de la zone britannique de Saint-Domingue. Il en revient en juin avec 60 hommes. Ils comprenaient quelques petits blancs, paraît-il, mais la majorité était sans doute des affranchis. Beaucoup de colons s?alarmaient du retour de ces déportés, et lorsque Kina rentra une seconde fois de la Jamaïque en Octobre, la plupart de ses recrues furent saisies par le commandant de l?Arcahaye, Jean-Baptiste Lapointe. Riche et instruit, Lapointe était un ancien libre, que l?on regardait comme le leader des gens de couleur de la zone britannique. Il s?opposait à Kina qui était censé être, paradoxalement, l?ennemi déclaré des hommes de couleur. 38 Pourtant beaucoup de ses soldats étaient comme lui hommes libres et propriétaires. A la fin de l?année, ils choisirent parmi eux deux représentants qui retourneraient à la Grand?Anse pour s?occuper de leurs affaires. 39 D?autres affranchis de la Grand?Anse furent ajoutés à la troupe en mai 1797.
Le recrutement posait de grands problèmes pour Jean Kina. A l?encontre des colonels blancs et autres régiments de Chasseurs, il ne lui était pas permis de recruter sur les plantations. Il trouva néanmoins une nouvelle source de soldats dans l?été de 1796 quand il fut autorisé à acheter pour son propre compte des Africains nouvellement arrivés et « accoutumés à la guerre dans leur pays natal ». Il semble en avoir acheté une quarantaine, probablement à la Jamaïque et à un prix moyen de 2,000 livres. Aucune décision ne fut prise quant à leur manumission éventuelle et c?était Kina qui devait recevoir leur solde. L?ancien esclave était maintenant propriétaire d?esclaves à grande échelle. Beaucoup de ces « bossales » devaient mourir ou déserter avant 1798, mais pendant un certain temps, la troupe de Kina était évidemment une curieuse unité hybride. 40
En mai 1797, les corps coloniaux furent réorganisés et un grand nombre furent supprimés. L?économie était à l?ordre du jour. L?occupation coûtait aux Anglais une fortune. Le fait que les Chasseurs de George III ne furent pas licenciés montre que le corps fut toujours regardé d?un bon ?il. Ainsi qu?un instrument utile de la propagande, comme le laisse supposer son nom royal, il restait une troupe valide. Bien que les désertions dans le corps pendant l?offensive au printemps de Toussaint, fussent plus nombreuses que chez les régiments de Chasseurs, les soldats de Kina surent exécuter au mois de juin une attaque osée sur les avant-postes de Léogâne qui fut un succès total. 41 Kina avait été nommé colonel au mois de janvier précédent, et son fils Zamor fut alors promu au grade de capitaine.
Que Kina puisse acheter à son propre compte une quarantaine d?esclaves (à crédit sans doute) suggère qu?il était un homme qui avait du bien. Il recevait à cette époque non seulement la solde d?un colonel, environ 40 livres sterling par mois mais aussi une pension de 600 livres par an de l?Administration de la Grand?Anse, et il tirait en sus la solde de toute une compagnie de ses Chasseurs. Il possédait au moins une douzaine d?autres esclaves, pour la plupart des femmes et leurs enfants, ainsi qu?un emplacement dans le hameau des Irois. Au début de l?occupation, on disait qu?il envoyait tout ce qu?il gagnait à ses anciens maîtres et maîtresses à Jérémie. 42 Si cela fut jamais la vérité, ce n?était évidemment plus le cas.
Zamor, le fils naturel de Kina, avait environ trente ans. L?origine de son nom assez répandu en Haïti, nous est inconnue. On peut croire qu?il ne fut pas baptisé, mais il fut désigné sous le nom de Jacques Zamor dans quelques documents de l?époque. Sa mère s?appelait Minerve, et dans le testament de Kina, on la décrivit comme « Négresse Libre appartenante (autrefois?) à la dame veuve Dubuq » 43 ? donc une affranchie probablement pas baptisée. Il semble qu?elle fut Africaine, puisque dans la même phrase du même document, une autre négresse libre fut spécifiquement désignée comme créole. Agnès, une autre des anciennes « ménagères » de Kina et alors arrière grand-mère, était aussi une affranchie et probablement d?origine africaine. Quant à Zamor, il restait juridiquement un esclave jusqu?en octobre 1797 quand il fut formellement affranchi par son père. 44 Sans doute la veuve Dubuc dut vendre ou donner à Kina son fils, mécanisme normal chez les colons pour éviter les frais d?une manumission formelle.
A Port-au-Prince, paraît-il, c?étaient plutôt les négresses libres de naissance dont le nouveau colonel chercha l?amitié. 45 Parmi celles-ci se trouvait Dauphine Guérin, la fille d?un noir libre, « pêcheur propriétaire », et d?une mulâtresse, donc une « marabout » d?après la terminologie de l?époque. Kina voulait l?épouser, et il semble qu?il logeait chez elle. Quoique fussent ses autres appâts, on peut croire qu?elle représentait pour lui un avancement social. En lui faisant la cour, cependant, Kina subissait la rivalité d?un des mulâtres de son corps. Sous un prétexte quelconque, il le fit emprisonner avec un ami. Lorsque les deux hommes furent plus tard relâchés, Kina, en les rencontrant dans la rue, les attaqua furieusement. « Son courroux s?alarma à leur vue », précisa un observateur. « Il les taxa d?avoir négligé de lui rendre les devoirs qu?il pensait qu?ils lui devaient comme officier supérieur et les ayant eu autrefois sous ses ordres. Il les fit arrêter de sa propre autorité et les fit conduire hors de la ville où il les fit excéder de coups de plat de sabre, au point de les laisser presque sans connaissance ». 46
Malgré les protestations du chef de police, le commandant anglais préféra faire la sourde oreille. L?incident nous révèle un peu les sensibilités du colonel noir, son tempérament et son influence. Aucun mariage n?eut lieu.
Deux semaines après qu?il eût affranchi son fils, Jean Kina fit rédiger son testament. Il pensait évidemment à l?avenir. Beaucoup de colons quittaient la zone d?occupation, et de plus en plus, il semblait que les Anglais ne voulussent y rester longtemps non plus. Kina nomma comme son exécuteur testamentaire son ancien maître, le chevalier de Laroque Turgeau aîné « comme une nouvelle marque de l?amitié », fut-il noté, « qu?il n?avait cessé de témoigner au dit Sr. testateur » (sic). 47 Il y fut mentionné cinq bénéficiaires principaux dont Zamor et son fils, Dauphine Guérin, Agnès son ancienne ménagère qui demeurait alors à Jérémie, Florence une négresse libre d?environ 8 ans, la fille de Zabeth négresse libre de Port-au-Prince, et Angélique une créole que Kina avait achetée de Régnier du Timat, colon du Sud, et qui paraît avoir été la maîtresse de Zamor.
Les mêmes cinq personnes furent nommées légataires le 13 janvier 1798, lorsque Kina, s?étant déplacé à Jérémie, rédigea de nouveau son testament.
A Dauphine Guérin, il légua une somme de 300 gourdes et 2 esclaves, une Congo de 13 ans et une créole de 32 ans.
A la petite Florence, Kina légua aussi deux femmes esclaves et une somme de 300 gourdes, ainsi que son terrain au hameau des Irois.
Angélique devait recevoir ou 2 esclaves africaines et 900 gourdes en espèces, ou une seule esclave et un emplacement dans la ville de Jérémie. Sa manumission et celle de sa fille Rosillette, devaient être à la charge de la succession.
A Agnès, Kina légua sa fille Marie-Joseph avec ses quatre enfants et petit-enfant qu?il avait acquis du chevalier Laroque Turgeau. Marie-Joseph avait 35 ou 45 ans, et comme sa mère elle aurait pu avoir été la maîtresse de Jean Kina. En février 1798, Kina décida de l?affranchir ainsi que ses enfants et un petit-enfant. 48
Quant à son fils, Kina lui légua tout ce qui pourrait rester de sa succession en espèces, meubles et propriété, « en témoignage d?attachement pour le dit Zamor. » 49
Kina ne paraît pas avoir participé aux campagnes acharnées qui menèrent à l?évacuation de Saint-Domingue par les Anglais. On l?avait envoyé à Jérémie bien avant que commençât la bataille pour la province de l?Ouest. Il est possible qu?il participât au printemps à la défense peu glorieuse des Irois, mais lorsque les Anglais décidèrent un raid osé dans le Sud derrière les lignes des Républicains, ils confièrent l?opération à un autre régiment de Chasseurs. Dans l?été de 1798, le corps de Kina ne comptait que 148 hommes de troupe et 36 autres, dont officiers, sous-officiers et tambours. Il y avait en sus 10 surnuméraires, femmes ou officiers en retraite. Tous les soldats dans la première compagnie et la plupart de ceux dans les deux autres avaient des noms de famille. La majorité des recrues bossales durent mourir ou avoir déserté. Le commandant en second était un major Schévenard, sans doute un des « Curaçoliens » qui étaient nombreux sur la côte du Sud. 50
Au printemps de 1798, les armées de Toussaint et Rigaud avancèrent libérant les derniers esclaves de Saint-Domingue. Comme les Anglais évacuèrent peu à peu les paroisses occupées, Jean Kina devait avoir des inquiétudes quant à son avenir. En septembre au Môle St-Nicolas, il aurait vu Toussaint reçu en pompe par le commandant britannique qu?il avait battu. Les deux hommes auraient même pu se rencontrer au banquet donné en honneur de Toussaint par les Anglais. Ce dut être un moment pénible. La plupart des Chasseurs noirs désiraient quitter la colonie avec l?armée britannique, malgré la volonté des Anglais. Toussaint voulut qu?ils restassent. En fin de compte, des milliers furent laissés ou eurent à revenir après qu?on leur eût refusé l?entrée à la Jamaïque. Suspects aux Républicains, ils durent retourner travailler sur leurs anciennes plantations.
Jean Kina eut plus de chance. Le 1er octobre 1798, il s?embarqua du Môle avec son fils et la dernière garnison britannique. Sept ans après son départ de la plantation, il était colonel à la solde de l?armée anglaise. 51
RÉFÉRENCES
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1. Cet article est une version révisée de D. Geggus. « Slave, soldier, rebel : the strange career of Jean Kina », Jamaican Historial Review, 12 (1980), 33-51.
2. Selon son testament du 8 novembre 1797, Kina avait « environ quarante ans » : Archives Nationales, Section d'Outre-Mer, Paris, Notariat de Saint-Domingue, maître Cottin, Port-au-Prince. Selon ses testaments en date de janvier et de juillet 1798, il avait environ quarante-deux ans : collection du Dr. Châtillon, les Abymes, Guadeloupe. Ce sont probablement des sous-estimations, car en octobre 1797, on estimait l'âge de son fils à environ trente ans : ANOM : Archives Nationales Fonds Outre-Mer, État Civil, Saint-Domingue, 190, f. 133. Je voudrais ici témoigner ma vive reconnaissance au Dr. Châtillon et à M. Gabriel Debien pour m'avoir fourni des copies de ces documents, ainsi que les lettres citées ci-dessous, note 28.
3. Voir ci-dessous, notes 25 et 31. Dans la langue KiYoombe (d'Angola) Kina veut dire une maladie cutanée.
4. Testament du 8 novembre 1797; Geggus, Slave, note 1; au-dessous, note 47.
5. F. Carteaux, « Soirées bermudiennes » (Bordeaux, 1802), p. 297; I. Gala, « Memorias de la colonia francesa de Santo Domingo » (Madrid, 1787), p. 141.
6. M.L.E. Moreau de Saint-Méry, « Description? de Saint-Domingue » (Paris, 1858 éd.), III, p. 1358. Le hameau de Tiburon ne comprenait que 33 maisons. Ne sont mentionnés que 352 blancs dans S. Ducoeurjoly, « Manuel des Habitants de Saint-Domingue » (Paris, 1802), II, Introduction, mais c'est évidemment une faute de frappe.
7. Il est vrai que sur les petites plantations le pourcentage de créoles parmi les esclaves était plus faible que sur les sucreries. Il est vrai aussi que les ateliers des caféières avaient tendance à être plu homogènes, dans la mesure où ils comprenaient des blocs d'esclaves Congos beaucoup plus grands. Néanmoins, la probabilité que deux esclaves de n'importe quelle ethnie se trouvent dans le même atelier était de loin plus grande sur les sucreries.
8. Moreau de Saint-Méry, III, p. 1355.
9. D. Geggus, « Slavery War and Revolution » (Oxford, 1982), p. 23.
10. Comme à Port-Salut en Janvier 1791. Voir J. Garran-Coulon, « Rapport sur les troubles de Saint-Domingue » (Paris, 1797-99), II, pp. 63-4. L'affaire est analysée dans C. Fick, « The black masses in the San Domingo revolution, (Concordia Univ. Ph. D. thesis, 1980), ch. 6.
11. On voudrait surtout savoir si les gens de couleur armèrent leurs propres esclaves ou ceux des plantations abandonnées par les blancs.
12. Garran-Coulon, II, pp. 550-1.
13. Public Record Office, Londres, T 81/27, document 26.
14. Cité dans B. Foubert, « Les volontaires nationaux de l'Aube et de la Seine inférieure à Saint-Domingue », paru dans Annales d'histoire de la Guadeloupe 50 (1982).
15. Voir ci-dessous, notes 25 et 31.
16. Voir ci-dessus, note 14. Les camps de révoltés furent détruits et les hommes valides prenant la fuite, leurs femmes et enfants furent massacrés. On ignore si la troupe de Kina y participa.
17. Voir ci-dessus, note 14.
18. Voir ci-dessus, note 13.
19. Ibid.
20. Voir son testament du 13 janvier 1798, et ANOM, Notariat de Saint Domingue, Me. Cottin, Port-au-Prince, dépôt d'un certificat, 16 septembre 1797.
21. Procès-verbaux des séances de l'assemblée paroissiale des Cayes, le 29 janvier 1793, parus dans la Revue de la Société Haïtienne d'Histoire No. 137, texte de Mme Françoise Thésée.
22. Selon une lettre citée dans Fick, « Masses », p. 191.
23. Voir au-dessus, note 21, séance du 6 février 1793.
24. Geggus, Slavery, passim.
25. Cahier du Capitaine Colville, propriété du Lord Colville de Culross, sans pagination. Il est intéressant de noter que les hommes portaient des jupons et pas des pantalons. Ces « flûtes des Coromantees » ne signifient pas qu'il s'agit ici des noirs « Caramenty » (Fante/Asante du Ghana actuel). Le capitaine pensait à la Jamaïque, d'où il était venu. Les esclaves de cette ethnie étaient très rares à Saint-Domingue et surtout dans la Grand'Anse : D. Geggus, « The salves of British-occupied Saint-Domingue : an analysis of the workforces of 197 absentee plantations », Caribean Studies 18 (1978), part 2.
26. P.R.O., Londres, GO 137/93, Williamson à Dundas, 28 Avril 1794; au-dessous, note 41.
27. D. Geggus, « Yellow fever in the 179 », Medical History 23 (1979) No. 1, 38-58.
28. A.N. Dxxv/20, lettres de Jean Kina.
29. Jeu de mots sur le nom d'Etienne Polvérel, le Commissaire Civil dans le Sud qui, avec son collègue Sonthonax, avait déclaré l'abolition de l'esclavage à Saint-Domingue.
30. Voir P.F. Venault de Charmilly, Lettre à M. Bryan Edwards, (London, 1797), pp. 145-7
31. P.R.O., WQ 1/159, 219.
32. Les Commissaires Civils dans le Nord déclarèrent le 10 juillet 1793 la liberté des esclaves sous les armes en les enrôlant dans des Légions de l'Egalité. Cette mesure fut appliqué au corps de Jean Kina le 17 juillet par le Commissaire Delpêche dont Kina continuait néanmoins à se méfier : A. Cabon, Histoire d'Haïti, (si, sd), vol. 3 p. 164.
33. En juillet 1975, il restait quelques vestiges de ce fort qui laissait supposer qu'il fut d'une assez grande dimension.
34. Geggus, Occupation, pp. 153-4.
35. P.R.O., T64/226 B. document 10c
36. Comme le disait le leader noir Jean-François : Bibliothèque Nationale, Manuscrits, Paris, Papiers Etienne Laveaux; vol. 2, lettre de Jean-François, 11 juin 1795.
37. P.R.O., T 81/14, ordonnance du 28 décembre 1795.
38. Bibl. Nat. Paris, Manuscrits, Nouv. Acq. Fr. 14878, p. 204; P.R.O., CO 245/5, séance du 30 octobre 1795.
39. P.R.O., CO 245/5, séance du 28 novembre 1795.
40. Voir au-dessus, note 13. Sur 37 noirs achetés au mois d'octobre, il en mourut 8 pendant lesneuf mois suivants. Voir aussi, P.R.O., WO 1/66, 529-30, une lettre au roi dans laquelle Kina se désigne « le 1er nègre? dévouée à votre Gouvernement en cette isle ». Sa signature grosse et maladroite s'accompagne de ces titres : « Colonel Commandant des Chasseurs de George III, Guerrier de la Montagne à Saint-Domingue ».
41. Devin Record Office, Exeter, Papiers Simcoe, O/17/1, lettre du 20 juin 1797.
42. Venault de Charmilly, Lettre, p. 112.
43. Testaments (Archives nationales fonds Outre-Mer) de Kina, cités au-dessus, note 2.
44. ANOM, Paris, Etat Civil, Saint-Domingue, 190, f. 133.
45. A en croire l'évidence de ses testaments.
46. Bibl. Nat., Paris, Manuscrits, Nouv. acq. Fr. 14878. P. 270.
47. Testament du 8 novembre 1797, cité au-dessus, note 2. Kina y est désigné « fils naturel de la nommée Louison, natif de la paroisse de Tiburon quartier dit les Anglais ». Ainsi que la contonneraie aux Carcasses, Laroque Turgeau possédait à la Cahouane près du hameau des Anglais une autre plantation qui avait été une sucrerie, selon Moreau de Saint-Méry, et « à laquelle on a renoncé faute d'eau » : Moreau de Saint-Méry, III, pp. 1350, 1355.
48. ANON, Etat Civil, Saint-Domingue, 190, f. 135.
49. Testament du 13 janvier 1796. Au mois de juillet, à la veille de l'évacuation, Kina fit rédiger un troisième testament, dans lequel la manumission de quatre autres esclaves était prévue, et les legs étaient plus petits.
50. Voir au-dessus, note 13.
51. Les péripéties de Jean Kina entre 1798 et 1804 en Angleterre, France et à la Martinique sont décrites dans D. Geggus, « Soulèvement manqué d'esclaves ou manifestation de gens de couleur? La révolte de Jean Kina au Fort-Royal, décembre 1800, à paraître dans « Annales des Antilles ».
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