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Le Mémorial d'une journée
Du sillage de la mer aux sillons d?une habitation; Jacques Kanon, colon à Jérémie
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Ronald Deschênes
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NDLR. «En juin 1987, il sortait des presses de l?Imprimerie
Centrale, une monographie familiale rédigée par feu J.Élie Lestage. L?auteur
avait rassemblé sous le titre «Mémoires d?un Jérémien», en plus des données
généalogiques usuelles, des souvenirs reliés aux diverses étapes de sa vie.
Cette narration émaillée d?anecdotes, de moult histoires, met en scène
des personnages qui ont façonné le milieu social de Jérémie. Nous remercions
madame Lucie Petit, veuve Lestage d?avoir autorisé la reproduction du texte
ci-après».
Ce texte est publié intégralement dans sa forme originale,
sans altération, sans modification, soit du style, soit de l?orthographe.
«MÉMORIAL D?UNE JOURNÉE ORGANISÉE PAR LE GÉNÉRAL KERLEGRAND
À JÉRÉMIE EN L?HONNEUR DE LA VISITE DE M. ET MME FRÉDÉRIC FEBVRE EN L?ANNÉE
1895».
C?est dans l?espoir de raviver dans l?esprit de nos jeunes concitoyens
les faits glorieux de nos aînés que j?inscris ce Mémorial qui en met en
lumière comment nos ancêtres exaltaient les mérites des aïeux.
J. Elie Lestage.
Les pièces publiées ci-après m?ont été fournies par la
courtoisie d?un ami d?enfance M. Franklin Brière.
Lettre de M. Frédéric Fèbvre.
Permettez-moi, mon cher M. Laforet, pour justifier l?en-tête
de cette lettre de détacher de la préface que mon maître et ami, Dumas fils,
voulut bien me faire l?honneur d?écrire pour le deuxième volume de
nos Mémoires, les quelques lignes ci-après qui expliqueront à vos lecteurs,
comment j?ai pu être assez heureux, de venir à Port-au-Prince, qui est
une ville où l?on ne passe pas par hasard, accomplir le pieux pélerinage
de la Guinaudée, et tenir en même temps la parole donnée à nos amis, qui je
l?espère ont la bonne fortune d?être des vôtres.
Bien cordialement
Frédéric Febvre
COMMENT NOUS VINMES EN HAITI
Quand vous êtes venus m?apporter votre manuscrit et que
je vous ai interrogé sur les causes de votre résolution si définitive, vous
m?avez répondu " J?ai promis à nos amis Bobo et Pouille d?aller
les voir à Haiti. Je veux tenir ma promesse", et j?ai vu derrière
ce sourire qui a si souvent éclairé les histoires que vous nous rencontriez
pendant les entractes des répétitions, j?ai vu que c?était sérieux!
Ainsi, j?avais sous les yeux un homme qui, ayant projeté
plusieurs années à l?avance de faire quelque chose, le fait. A ces amis
que nous avons vous et moi à Haiti, qui vous parlaient chaque fois qu?ils
venaient en France des beautés, et des charmes de leur pays natal, vous avez
dit " quand mon engagement avec la comédie française sera terminé, je quitterai
le théâtre, et j?irai vous voir aux Antilles".
Vous quittez le théâtre, et après avoir pris votre temps pour
arranger toutes vos petites affaires européennes. Vous partez en effet pour
Port-au-Prince, après avoir donné le spectacle de tant de personnages secoués
aux quatre vents, du hasard et de la passion, vous donnez tout à coup dans la
réalité, celui d?un homme qui fait ce qu?il veut, c?est tout
bonnement admirable! Surtout dans les temps agités où nous vivons?
Je suis un de ceux qui perdent le plus à votre départ. Que
vont devenir Clark, M. de Riverolles, M. de la Rivonnière, Olivier de Jalin,
pendant que vous ferez la sieste dans les hamacs d?Haiti, en buvant le
café du Gros Morne? Etes-vous sûr que votre Mémoire n?évoquera pas
le souvenir de tous les personnages de la vie desquels vous avez vécu, en leur
faisant une âme à la vôtre. Etes-vous sûr qu?ils ne vous rappelleront pas
là où ils sont restés, et n?est ce pas pour être sûr de résister à la tentation
que vous allez si loin?
Adieu donc, mon cher Febvre, je n?ose plus dire au revoir
à ceux qui partent. J?ai passé l?âge des formulent qui engagent l?avenir,
nous avons fait la guerre ensemble, et la bonne guerre, toujours bravement et
loyalement. Je perds un bon compagnon d?armes, mais qui sait si je livrerai
encore quelque bataille, et vous avez soif d?espace et de liberté?
Vous avez des jardins en toile peinte, il vous faut le soleil des tropiques
et les immenses forêts d?acajou. Je voudrais être à votre place, allez!?
Vous serez bien reçu là bas, c?est un des rares pays où l?on aime
encore la France.
Un jour que vous n?aurez rien à faire, et qu?il fera
trop chaud, descendez au sud de l?île, jusqu?à Jérémie sur le golfe
de Léogâne. C?est un véritable voyage. C?est un véritable pélérinage
que je vous demande de faire.
C?est là qu?au printemps de 1762, une petite esclave
noire mettait au monde un petit mulâtre, lequel devait être un jour le général
Alexandre Dumas et se continuer en deux auteurs dramatiques qui vous ont fait
quelques un des rôles que vous avez si bien joués.
Tout à vous,
A.Dumas Fils.
Avant de venir en ce doux pays, j?avais appris à le connaître,
c?est-à-dire à l?aimer, par l?aimable fréquentation de jeunes
haitiens résidant à Paris, tous fervents admirateurs de notre belle et noble
maison de Molière.
A chacun de ces jeunes gens, j?avais fait la promesse,
que le lendemain de ma présentation d?adieu, mon premier soin serait de
leur faire visite chez eux!
Beaucoup m?ont avoué depuis qu?ils n?ont cru
à ce lointain déplacement, que le jour où j?ai télégraphié de Santiago
de Cuba, à mon regretté ami Bobo, la date et l?heure où
"le Manuela" nous débarquerait à Port-au-Prince.
Quelques jours après notre arrivée, je m?informai près
de notre hôte des moyens qu?il convenait d?employer pour tenir la
promesse faite à l?écrivain trop tôt disparu, pour la gloire et l?honneur
des lettres, à l?ami si brusquement arraché à notre affection.
Le voyage de Jérémie n?est pas chose facile, me fut-il
répondu. Il faut une occasion!
Deux jours plus tard, cette occasion se produisit sous une
forme un peu macabre; mais je n?avais pas le choix des moyens.
Une dame Vigoureux, qui venait de mourir à Port-au-Prince,
avait dans ces dernières volontés exprimé le désir d?être inhumée à Jérémie,
lieu de sa naissance.
Grâce à une puissante intervention, le bateau "Rivière"
qui transportait cette dépouille mortelle, voulut bien nous prendre à bord;
munis de lettres de recommandation de Fouchard, du général Kerlegand, de Bobo,
de Daubigny, nous partimes donc?
En descendant du bateau funèbre, et après avoir assisté aux
obsèques de Mme Vigoureux (c?est le moins que nous lui devions), nous nous
présentâmes chez M. Gostale, agent consulaire de France. Cet aimable fonctionnaire,
étant absent, ce fut Mme Gostale et ces nièces, Mlles Rouzier qui nous firent
le plus courtois accueil.
Quand le soir de notre arrivée, j?eus expliqué à MM. Rouzier,
(les frères de Mme Gostale), que je nourrissais le fol espoir d?accomplir
ma mission le lendemain, afin de regagner de suite Port-au-Prince, à la stupéfaction
de ces messieurs, je compris bien vite que les choses ne pouvaient marcher avec
cette rapidité.
Mais, cher M. Febvre, me dirent mes hôtes, c?est tout
a fait impossible, on ne va pas à la Guinaudée comme en France, on se rend à
Saint-Cloud. Il faut avant tout retrouver un vieux noir du nom de Pamphile,
qui seul, connaît exactement l?emplacement de l?ancienne plantation
du Marquis de la Pailleterie, sur laquelle se trouvait la case de Tiennette
Dumas.
Il faut, en outre, reconnaître les sentiers à travers les mornes,
pour que nos montures puissent y accéder, il faut envoyer là-haut, à dos de
mulet, des provisions de bouche pour vous et ceux de nos compatriotes qui tiendront
à l?honneur de vous faire escorte. De plus, le bateau Allemand qui doit
vous donner passage, pour ramener à Port-au-Prince, ne touchant pas Jérémie
avant huit ou dix jours, il convient donc que vous demeuriez nos hôtes et que
vous vouliez bien nous laisser les moyens de vous rendre aussi agréable possible
votre séjour forcé!
Huit jours après le général Kerlegrand, le plus charmant homme
qui se puisse rencontrer, venait nous avertir que tout était réglé, et que le
mardi, 9 avril, avant le lever du soleil, nos amis de Jérémie nous attendraient
place de la Cathédrale.
Le jour naissait à peine Victoria correctement attelée venait
prendre aux noms de M. Laraque, Mme Febvre, tandis que de la part du général
Kerlegrand, un serviteur m?amenait le charmant petit cheval qui m?était
destiné.
Je sautai gaiement en selle, la voiture suivit, et, jugez de
mon étonnement, de mon émotion, quand en arrivant au rendez-vous, au lieu d?y
trouver quelques compagnons de route, mon regard s?arrêta sur une cinquantaine
de cavaliers qui nous attendaient et qui, dès que nous apparûmes, se découvrirent
silencieusement.
Certes, au cours de ma longue carrière, j?ai éprouvé de
grandes émotions, mais je vous assure, mon cher M. Laforest, que l?impression
que me causa cette nouvelle preuve de la proverbiale courtoisie de vos compatriotes,
est un des meilleurs souvenirs de ce voyage.
Quant aux détails de cette belle journée, je ne puis faire
mieux que reproduire ici la lettre que j?adressais le soir même, de Jérémie,
à l?auteur du Demi-Monde et de tant d?autres succès.
Signé Frédérick Lefebvre*
Jérémie, 9 avril 1985*
Jérémie, Avril 1895
Mon cher Dumas,
Ce matin, un peu avant le lever du soleil, après avoir traversé
la Grande-Rivière, gravi les mornes, passé à gué la source Madère, franchi bien
des obstacles, plus de cinquante cavaliers sont arrivés enfin à la Guinaudée,
sur l?emplacement de la grande case.
C?est bien là, au côté Ouest de la partie française, qu?au mois de
Mai de l?année 1762 Tiennette Dumas mettait au monde celui qui devrait
être un jour le général Dumas.
Venus de Port-au-Prince à Jérémie pour tenir la promesse faite
à l?auteur du père prodigue de me rendre à la Guinaudée, j?ai trouvé
pour accomplir ce pèlerinage le concours le plus empressé; le plus fraternel.
Hélas! de ce qui fut autrefois une grande habitation, il ne
reste plus que les débris d?un vieux moulins!
Là ou la petite esclave venait de donner la vie à cette lignée
de Géants qui ont illustré
leur
pays avec tant d?honneur et de gloire, soit par la plume, soit par l?épée,
je n?ai trouvé que quelques pierres noircies, quelques fleurettes et une
modeste cabane!?mais quels horizons!?aussi vastes, aussi profonds
que profondément demeurera dans l?avenir ce glorieux nom de Dumas!
Deux heures après toute la petite troupe s?est remise
en marche sous un soleil brillant pour venir déjeuner à la case d?Antoine.
Le bon Pamphile nous servait de guide au milieu de ce labyrinthe
tout en fleurs.
Déjeuner charmant, plein d?entrain, les provisions avaient
été expédiés dans la nuit, à dos de mulets.
Et tout cela me faisait
penser à votre cher et regretté père, à la journée de ses obsèques à Villiers-Cotterets.
Là encore, comme aujourd?hui, le soleil était de la partie,
et ses chauds rayons semblaient vouloir que chaque assistant écartât de son
esprit tout sentiment de tristesse?car pour tous les vôtres mon cher ami,
le soleil qui fête leur venue en ce monde, dissipe encore après leur mort l?ombre,
la douleur, l?oubli!
Après ce petit repas si cordial, si pittoresque, plusieurs
de nous ont pris la parole pour chanter Tiennette et ses illustres descendants.
On a
bien parlé du général, de votre illustre père et de vous, mon cher Dumas, aussi
je vous adresse de suite ce souvenir encore tiède d?une naive et sincère
émotion.
Puis nous sommes descendus à la Cascade où se baignait votre
glorieux grand-père quand il était enfant. Si aujourd?hui celui qui se
plonge dans cette belle eau claire et limpide ne risque plus d?y rencontrer
le légendaire "caiman" qui faillit dévorer le brave général dans ses
ébats nautiques, en revanche, l?endroit est resté merveilleux, plein d?ombre,
de fraîcheur et de mystère!
Connaissant votre horreur des longueurs, je vous mets à la
poste de Jérémie ce procès-verbal d?une journée qui restera inoubliable,
et mes aimables compagnons et compagnes de route y joignent, avec l?expression
de leur admiration, celle de leurs plus affectueux sentiments.
Et pendant qu?on scellait nos montures, j?ai cueilli
ces petites fleurs qui vous parviendront désséchées! ?elles ont poussé
là-haut sur le sommet des Mornes que nous avons redescendus lentement, pendant
que la lune éclairait de sa discrète lumière ce lieu si bruyant tout à l?heure
encore et maintenant si calme, si religieusement silencieux.
Votre bien affectueux
Frédécic Lefebvre**
P.S. : Etaient présents et ont signé :
Docteur et Mme C. Van Waterschoot, Messieurs Louis Goubault,
Général Kerlegrand, Pressoir Jérôme, Numa Laraque, Villedrouin, Dr C. Gaveau,
Saint-Juste, U. Duvivier, C. Chassagne, D. Clérié, Dr L Margron, A. Blanchet,
C. Lavaud, Ph. Laraque, O. Duvivier, Fouchard Martineau, Léonce Duvivier, Numa
Rigaud, Th Dégraffe, G. Laveau, Dufrené, Pamphile, L.A. Thimothée, François
Étienne, Gastan, A. Régiès, H. Villedrouin, P.L. Laraque, Albertini, Lysias
Jn-Pierre, Pamphile Jeune, J.H.Lanoue, Jeannot, D. Desquiron, Th. Blanchet,
Volney Gostalle, M. et Mme Lefebvre.
A cette heure, où il me faut envisager avec tristesse l?impossibilité
d?aller de nouveau me réchauffer aux rayons de votre vivifiant soleil,
grâce à la cordiale hospitalité que je trouve dans les colonnes de votre si
intéressante Revue, il me reste du moins la consolation de causer encore à travers
l?espace avec nos amis de là-bas, sans avoir le chagrin de leur voir constater
sur mon visage si la vie, ce roman si souvent mal fait, n?a pas laissé
la trace des années trop longuement passées loin d?eux.
Que seront devenus tous ces êtres, mêlés si heureusement au
hasard de notre voyage? Je serais heureux de le savoir?et leur adresse,
en attendant un souvenir ému et reconnaissant.
NDLR : * Il faut lire Frédéric Febvre. Jérémie mars 1895.
/ ** Il faut lire Febvre.
Peabody Essex Museum, cl. 0161
DU SILLAGE DE LA
MER AUX SILLONS D?UNE HABITATION; JACQUES KANON, COLON À JÉRÉMIE.
par Ronald Deschênes
NDLR. «Monsieur Ronald est né à Grand-Mère,
lors d?un orage épouvantable. Il s?est rendu au pied de l?autel sous
une température de moins 40 degrés Celsius. Il habite la ville
de Sainte-Foy, une banlieue de Québec. Il a été durant
de nombreuses années le généalogiste de la famille souche
Miville-Deschênes. Il est membre à vie de la Société
d?histoire de Sainte-Foy. Comment en est-il venu à s?intéresser
au type que nous connaissons comme habitant propriétaire à la
Grand?Anse ? Il répond ceci :«Depuis la vénérable
année 1973 (déjà?), j?effectue une importante recherche
concernant le lieutenant de frégate Jacques Kanon. Les raisons qui m?ont
poussé à commencer cet interminable travail sont assez obscures,
chose certaine je trouvais à l?époque qu?il n?existait pas beaucoup
de renseignements disponibles sur cet officier. De plus je me cherchais un hobby
intéressant en histoire maritime.»
C?est vers 1770 (112a),
que notre audacieux blayais s?installa dans la région de Jérémie(112b)
à la rivière Voldrogue. Il fit ensuite l?acquisition d?une habitation
à la rivière Guinodée le 21 février 1778 pour la somme de 12,000 livres payable
4,000 livres à tous les huit mois. Propriété du Sieur Joseph-Marie Masse, demeurant
rue de la Marine, elle était composée de «...quarante neuf quarreaux
de terre avec établissement...au nord de la rivière Guinodée, au Sud de la nommée
Fremont aujourd?hui Le Sr Kanon, à Lest d?autres possessions
du Sr Kanon et de la dame Godde et a Louest du Sr françois
Plomb...»(113)
Le 22 juin 1778 il loua du Sieur Étienne Boisselot deux chambres
dépendantes rue de la Marine, pour la somme de 1,400 livres par année. De plus
il acheta le 30 juin 1778 du Sieur David Dupuy marchand de Jérémie, pour la
somme de 1,000 livres, un magasin au «canton du Père la Montagne sur les cinquante
pas du Roi au bord de la mer». Le 25 janvier 1784, il transigea avec le Sieur
Jean Coeur, maçon, un autre magasin au même prix et situé au même endroit. Il
opéra une grande sucrerie à la Voldrogue et s?associa à son gendre le Sieur
Jean Chalmette, qui lui possédait une sucrerie à la Grande-Rivière. Il était
encore «habitant à la Voldrogue» le 23 juillet 1788.
Ensuite, nous avons déniché deux textes supplémentaires sur
la présence de Jacques Kanon à Saint-Domingue. Le premier date de juillet 1791:
«Au quartier des Grandes Feuilles, dépendance de Jérémie neuf forts nègres de
nations bambara et mandingue avec deux négresses faisant en tout onze esclaves
sont partis marrons de l?habitation de M. Kanon, habitant de Jérémie.»
(114). Le deuxième est de 1797: «...plus haut est la sucrerie Canon, avec un
moulin qu?elle doit à la Voldrogue...»(115)
L?habitation(116) Canon existe encore aujourd?hui.
Située à une heure et demie de route de Jérémie, il s?agit d?une ferme
de 100 à 200 hectares au sud de la rivière Voldrogue. Le frère Bruno Laroche
F.I.C. qui a été enseignant de 1960 à 1962 et directeur de 1963 à 1969 à l?école
Frère Paulin de Jérémie, se souvient d?être allé maintes fois à cet endroit
avec des groupes d?élèves pour se baigner et pique-niquer. Sur ce terrain
se trouve une rhumerie(117) qui était la propriété de Madame Vévé Vilaire.
Selon Monsieur Jean-Éric Parisien, natif de Jérémie, il s?agit
maintenant d?un petit coin de trois ou quatre quartiers. L?habitation
elle-même qui comprend un moulin en bois et plusieurs vestiges en pierre, est
étendue sur une dizaine d?hectares. On y trouve plusieurs variétés d?arbres
dont des palmiers, des cocotiers, des manguiers, des avocatiers et «l?Arbre
Véritable» avec lequel de la farine a été récemment obtenue. Ce n?est plus
Vévé Vilaire(118) qui l?exploite, mais son fils adoptif Lenon Sanon(119).
Il produit en coopérative du tafia et du clairin. On ne fabrique plus de rhum,
car la distillation de cette boisson nécessite de l?équipement spécialisé.
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NOTES BIBLIOGRAPHIQUES
112a- Il quitta Bordeaux sur le navire la GRANDE-ANSE de Bordeaux
de 200 tonneaux en janvier 1772 avec toute sa famille. Étaient passagers: Pétronille
Goddé de Dunkerque âgée de 40 ans, épouse du Sr Jacques Kanon..
Antoinette-Françoise Kanon de Dunkerque âgée de 14 ans, sa fille. Anne-Marie
Goddé de Dunkerque âgée de 26 ans, belle s?ur du Sieur Kanon. Archives
Départementales de la Gironde, 6B-106 et 6B-476.
112b- Cette ville située dans la partie sud de Saint-Domingue,
fut habitée par un pêcheur nommé Jérémie vers 1720. Le patron de l?église
s?appela Saint-Louis et les registres de la paroisse furent définitivement
ouverts le 11 juillet 1725, par un dominicain, le père Michault. Dans les années
1797, on y trouvait 10 «indigoteries», 7 sucreries, 32 cotonneries et 118 «caféteries».
A la même époque la population de la ville et «ses accessoires» frôlait les
20,000 habitants, soient 2,000 blancs, 1,000 affranchis et plus de 17,000 esclaves.
Comme dans toutes les villes coloniales, elle possédait ses bourgeois. Parmi
ceux-ci notons les Jérémiens Hildevert-Marie-François Berquier, Pierre-Joseph
Bighin ou Beghin, Louis-Auguste Letonnier baron de Breteuil, François Breuil,
Hippolyte-René de Chardonnay, Marthe-Jérôme Duvivier de la Mahautière, Jérôme-Louis-Barthélémy
de Favarange, Étien-ne Lefebvre-Deshayes, Pierre et François Testas. Médéric-Louis-Élie
MOREAU de SAINT-MÉRY, Description Topographique, Physique, Civile, Politique
et Historique de la Partie Française de l?Isle Saint-Domingue, p. 1452,
1453, 1458, 1459, 1465, 1484, 1486, 1487, 1513 et 1552.
113- Archives des Colonies, D64, Notaires de Jérémie,
Bose 21 février 1778. Le Sieur Masse l?avait lui-même obtenue de
la mulâtresse Marguerite Laroche, le 25 mai 1775. Depuis le 20 avril 1777, Jacques
Kanon était pratiquement en possession de cette plantation. Note de l?auteur.
114- Jean FOUCHARD, Les Marrons de la Liberté, p.
407.
115- Médéric-Louis-Élie MOREAU de SAINT-MÉRY, p. 1388.
116- Le mot «habitation» est un nom employé à Saint-Domingue
pour désigner une plantation. Note de l?auteur.
117- Il y avait une guildeverie pour la fabrication du sirop
de canne et de l?alcool(tafia, clairin et rhum). Lettre du Frère Bruno
LAROCHE en date du 6 octobre 1996.
118- Vévé Villaire. C?était une richissime veuve qui a
adopté plusieurs enfants. Elle est décédée vers 1970 à l?âge d?environ
80 ans. Témoignage de Monsieur Jean-Éric PARISIEN. Avant cette
dame, c?était Monsieur Klébert Villedrouin qui occupait l?habitation.
Lettre de S?ur Albertine Boucher en date du 16 mars 1998.
119- Lenon Sanon. Propriétaire actuel de l?habitation
Canon. Il a élevé cinq enfants dont Pierre-Antoine, Max, Jocelyne, Jacqueline
et Irma. Aujourd?hui, il demeure à Port-au-Prince. Témoignage de
Monsieur Jean-Éric PARISIEN.
ÉTAT DES SERVICES DE
JACQUES KANON (CANON)
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A) Arrière-arrière-petit fils de Gobert Canon et d?Antoinette
Beau. Arrière-petit-fils de Jacques Canon, originaire de Guise (Aisne)
soldat sur la patache du convoi de Blaye, et de Marie Papin. Petit-fils
de Louis Canon, pilote, et de Marie Boisset.
B) Fils d?Antoine Canon, capitaine de navire, et
de Catherine Roquillet.
C) Naissance: Blaye paroisse St-Sauveur le 5 janvier
1726.
D) Embarquements: Mousse sur la REINE-MARIE de
Bordeaux capitaine Antoine Canon (son père) pour Saint-Domingue de 1738
à 1739. Patron de canot sur la LAURENCE de Bordeaux capitaine Jean
Cochon pour Saint-Domingue de 1740 à 1741. Novice sur la RENOMMÉE
de Bordeaux capitaine Guillaume Turgeau pour la Martinique de 1742 à 1743.
Deuxième pilote sur le ROYAL-DAIM de Bordeaux capitaine Louis Beaunevent
pour Saint-Domingue de 1744 à 1745. Matelot sur la corvette du Roy le
MERCURE-ANGLAIS de 14 canons commandant St-Memy en 1746. Dans le
port de Brest, "à la Cayenne" du 24 novembre 1746 au 2 janvier
1747. Matelot sur la même corvette commandant Bory en 1747. Deuxième lieutenant
sur la MOUCHE de Dunkerque capitaine Pierre Lefebvre dit Juin Fils
en 1747. Deuxième lieutenant sur le COMTE-DE-MAUREPAS de Dunkerque
capitaine Jean-François Chené en 1747. Deuxième lieutenant sur la CHARMANTE
de Dunkerque capitaine Pierre Lefebvre dit Juin Père en 1748. Aide pilote
sur la LIBERTÉ de Dunkerque capitaine Joseph Mathieu pour Amsterdam
en 1748. Aide pilote sur la BALEINE de Dunkerque capitaine Joseph
Mathieu pour le Cap-Français de 1748 à 1750.
E) Commandements: Sur le PRINCE-DE-SOUBISE de
Dunkerque de 1756 à 1757. Sur la frégate du Roy la VALEUR de 1757
à 1758 pour Québec. Sur la frégate le MACHAULT de Bordeaux de 1758
à 1759 pour Québec. Sur la frégate l?HARMONIE de Dunkerque
en 1760 pour Port-au-Prince. Sur le navire le COLIBRI de Bordeaux
en 1761? Sur la frégate l?INTRÉPIDE de Bordeaux en 1762 pour
Saint-Domingue. Sur la frégate l?INTRÉPIDE de Bordeaux en
1763 pour Cap-Français. Sur le navire le ROY-DE-KABINDE de Bordeaux
en 1766 pour Cap-Français. Sur le navire le MANGOFF de Bordeaux
de 1769 à 1770 pour Cap-Français. Sur le navire le MANGOFF de Bordeaux
en 1771 pour Saint-Domingue. Sur le navire la GRANDE-ANSE de Bordeaux
en 1772 pour Jérémie.
F) Grades: Capitaine de navire et patron à Dunkerque
le 16 juillet 1750. Lieutenant de frégate à Bordeaux le 8 juin 1757. Capitaine
de brûlot à Bordeaux le 25 janvier 1760.
G) Mariage: Dunkerque paroisse Saint-Éloi le 10 mars
1750 à Pétronille Goddé (Fille de Pierre-François Goddé et de Marie-Catherine
de Tilly). Née le 21 et baptisée à Dunkerque paroisse Saint-Éloi le 23
février 1728. Décédée à Jérémie paroisse Saint-Louis le 11 avril 1778
à l?âge de 50 ans. Leurs enfants :
- Pierre-Charles. Né et baptisé à Dunkerque paroisse Saint-Éloi le 24
avril 1751. Décédé le 5 et enterré à Dunkerque paroisse Saint-Éloi le
6 juin 1752 à l?âge de 13 mois.
- Louis-Jacques. Né et baptisé à Dunkerque paroisse Saint-Éloi le 16
février 1756. Décédé le 5 et enterré à Dunkerque paroisse Saint-Éloi
le 6 juin 1757 à l?âge de 15 mois.
- Antoinette-Françoise L?Aînée. Née et baptisée à Dunkerque paroisse
Saint-Éloi le 11 août 1757. Mariée vers 1777 à Jean Chalmette, capitaine
d?artillerie au bataillon milice. Mariée le 29 décembre 1787 à
Jérémie paroisse Saint-Louis à Jean de Maffrand, né à Pluviers en Périgord
et domicilié à Port-au-Prince. Jacques Kanon s?opposa à ce mariage.
Mariée (réhabilitation) le 15 juin 1790 à Jérémie paroisse Saint-Louis
à Jean de Maffrand. Cette fois Jacques Kanon consentit à l?union.
Ses enfants :
Premier lit :
- Antoine-Jean-Jacques Chalmette né le 7 février 1778 et baptisé à
Jérémie paroisse Saint-Louis le 3 juillet 1778.
- Louise-Antoinette Chalmette née le 27 janvier 1780 et baptisée à
Jérémie paroisse Saint-Louis le 30 juillet 1780.
- Jeanne-Hiacinthe Chalmette née le 16 août 1783 et baptisée à Jérémie
paroisse Saint-Louis le 11 octobre 1783.
Deuxième lit :
- Louise-Françoise de Maffrand baptisée à Jérémie paroisse Saint-Louis
le 15 juin 1790.
Antoinette-Françoise Kanon L?Aînée fut indemnisée
le 28 janvier 1833 pour la somme de 32,500 F. Cet argent provenait de
la succession Jacques Boccalin, pour un bien rural sis à La Casetache
(ville basse de Jérémie).
- Antoinette-Françoise La Jeune. Née le 31 juin et baptisée à Libourne
le 1er juillet 1762. Aucun autre renseignement.
Jacques Kanon était également le père d?une fille
naturelle. Antoinette-Adélaide. Née à Jérémie vers 1781. Envoyée en France
vers 1786. Mariée (sans acte de naissance) le 14 Thermidor An XI (2 août
1803) à Blaye à Pierre Limouzin.
H) Autres: Initié par la loge franc-maçonique bordelaise
de l?Amitié le 2 mai 1765. Bourgeois à Bordeaux le 25 septembre 1765.
I) Activités commerciales: Achète en 1760 une entreprise
viticole à Saint-Émilion (Devient Château Canon Saint-Émilion 1er Grand
Cru classé). Achète entre 1772 et 1778 une grande plantation à Jérémie
canton de la Voldrogue, y opère une grande sucrerie jusque vers 1791(L?endroit
s?appelle encore aujourd?hui « Habitation Canon »).
J) Décès: Bordeaux le 21 Floréal An VIII (11 mai 1800)
à l?âge de 74 ans et 4 mois.
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Ronald Deschênes,
M.A.J.: 23 février 2000.
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AUTRES DOCUMENTS NON PUBLIÉS ET PUBLIÉS
NON PUBLIÉS (2)
DESCHÊNES, Ronald, Trois Marins Français à Québec 1758-1759, Sainte-Foy, 1977,
144 pp.
DESCHÊNES, Ronald, Jacques Kanon (1726-1800), Sainte-Foy, 1998, 113 pp.
N.B : Ces deux livres sont déposés à la Bibliothèque nationale du Canada
en »copyright». Ils ne sont pas publiés parce que en constante évolution dans
le temps.
PUBLIÉS (8)
HISTOIRE FIDÉENNE (3)
DESCHÊNES Ronald, À propos du Fort de Gaudarville, L’écho
Fidéen, vol. 2, no. 2, automne 1988, Sainte-Foy, 1988, p. 8 à 10.
DESCHÊNES, Ronald, Les premiers de Sainte-Foy, sous le Régime
Français, L’écho Fidéen, no.3, mars 1987, Sainte-Foy, 1987, p. 5 à 7.
DESCHÊNES, Ronald, Côte St-Michel en 1754, L’écho Fidéen,
no. 2, décembre 1986, Sainte-Foy, 1986, p. 26 à 32.
HISTOIRE MARITIME (5)
DESCHÊNES, Ronald, L’Atalante frégate du Roy, L’Escale
no.16, août-septembre 1986, Québec, 1986, p. 9 à 11.
DESCHÊNES, Ronald, Jacques Kanon corsaire Blayais (1726-après
1777), Les Cahiers du Vitrezais, no 52, mai 1985, Paris, 1985, p. 63 à 68.
DESCHÊNES, Ronald, Jean d’Olabaratz (1727-1808), Bulletin
Municipal de Saint-Jean-de Luz 1985, no 21, Saint-Jean-de Luz, 1987, p. 71 à
75.
DESCHÊNES, Ronald, Ristigouche, Mémoire no. 2-3 été-automne
1985, Société d’Histoire de Sainte-Foy, Sainte-Foy, 1985, p. 22 et 23.
DESCHÊNES, Ronald, La construction navale royale à Québec,
L’Escale, no. 55, décembre 1993, Québec, 1993, p. 35 à 37.
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