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Sur la route de Cuba
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Andrée-Luce Fourcand
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Nous avons extrait de la volumineuse correspondance adressée
à l?Association de Généalogie d?Haïti deux courriels,
qui, au-delà du premier degré de lecture, soulèvent par
ses contours la question des Réfugiés de Saint-Domingue.
Madame Geneviève Ruffier Lanche écrivait les
messages suivants :
14 juin 1999-
«Bonjour, je me permets de vous contacter pour solliciter votre
aide. J?effectue des recherches pour le Museo Matachin Baracoa-Cuba. Nos amis
cubains ont d?énormes difficultés à communiquer, c?est
pour cette raison que je suis chargée de ces recherches. À partir
de 1790, de nombreux français ont fui Haïti(*) pour s?installer
dans la partie orientale de Cuba, et plus de 100 familles françaises
ont été dénombré à Baracoa. Elles se sont
illustrées par la réalisation notamment du plan d?eau de la ville,
le développement du cacao et du café, ainsi que la création
d?usine huile noix de coco. De nombreuses maisons coloniales existent encore
aux toits de tuiles en céramiques, sur lesquelles nous avons relevé
le nom de plusieurs entreprises françaises, toutes originaires de Marseille :
J.M.MOURAILLE : Seon, St André- Marseille, SACCOMAN FRÈRES :St
-Henri- Marseille (éffigie : un phare), GUICHARD FRÈRES :
Seon, St André- Marseille (effigie : un lion), GUICHARD CARVIN et
CIE : Marseille ? St- André (effigie : une abeille), ROUX FRÈRES-
Grand Ecaille pour toiture - breveté SGDC : St ?Henri, MARTIN FRÈRES :
Marseille (effigie : papillon ou abeille). Peut-être auriez-vous
la gentillesse, si vous possédez des renseignements concernant ces entreprises,
de bien vouloir nous les communiquer. Dans le cas contraire, n?étant
pas spécialistes dans ce type de recherches, de bien vouloir nous indiquer
si vous connaissez des organismes susceptibles de nous aider. Je me permets
de vous préciser que ces recherches sont faites uniquement dans un cadre
bénévole et seulement dans le but d?éclairer une partie
de l?histoire importante de cette ville, qui compte tenu du peu de moyen dont
elle dispose, net se permettre d?entreprendre de telles recherches. Je vous
remercie par avance de toutes informations que vous aurez la gentillesse de
bien vouloir m?adresser.»
12 janvier 2000
«Merci, pour votre message et aucun problème?vous êtes
tout pardonné?. Je ne résiste pas au plaisir de vous raconter
une belle histoire du web : je suis tombée par hasard sur une page
de demande d?un américain Dr Humberto Vidaillet, qui cherchait des infos
sur son arrière grand-père VIDAILLET José. Comme vous avez
du le remarquer dans le petit livre, une page est consacrée à
ce personnage, qui était à Baracoa un riche industriel. Je l?ai
traduite et envoyée à ce Mr, avec un immense plaisir de lui rendre
service.»
Quelques
jours plus tard, elle faisait parvenir à l?Association un intéressant
fascicule intitulé «Les Français à Baracoa», de Alejandro
Hartmann Matos. Vous pourrez prendre connaissance du contrat
de mariage de monsieur Antoine Charles Petit habitant et natif de la paroisse
St-Louis de Jérémie en l?île de St-Domingue et Demoiselle
Thérèse Joseph de Rodoran à la fin de l?article.
Un zest d?Histoire
Colonie sens dessus dessous.
Antérieurement à la Révolution Française,
la Grande Île, avait été l?objet de plusieurs soubresauts
socio-politiques. Nous rappelons quelques séquences : première
sédition des Français de Saint-Domingue (1670-1671), deuxième
sédition des Blancs de Saint-Domingue (1722-1723), Révolte de
Macandal, sorcier vaudou, esclave, chef d?une bande d?esclaves fugitifs (1758),
de la revendication de l?égalité entre blancs et gens de couleur
(1784-Mémoire de Julien Raimond, quarteron libre), les récriminations
des colons contre le régime de l?Exclusif, le débat sur l?autonomie.
Les autorités constituées colmataient simplement les brèches,
laissant ainsi un terreau fertile à la sédition civile.
Dès 1789, la plus florissante colonie de la France fut
à l?écoute des informations et de toutes les rumeurs parvenant
de la Métropole. La nouvelle de la prise de la Bastille qui symbolise
la fin de l?absolutisme du pouvoir royal et d?autres événements
successifs arriva dans l?île à la vitesse de l?éclair. La
charge électrique était si puissante, qu?aucun paratonnerre n?aurait
pu dévier l?énergie vers le tréfonds du sol. Toutes les
couches sociales ressentirent le souffle puissant de la Révolution Française
et y allèrent de leurs revendications. Galvanisées, de part et
d?autre, par leur propre agenda politique, il s?entend.
La Reine des Antilles devint le théâtre de conspirations
autant locales qu? internationales. Une kyrielle de complots de très
haute gamme y furent ourdis, dont, entre autres, et non pas le moindre, celui
consistant à livrer le joyau de France à Albion. Sous l?impulsion
de la ligue contre-révolutionnaire, formée en partie de membres
de l?ancienne noblesse et de colons roturiers, toutes nuances politiques confondues,
ce projet connut un succès partiel. Saint-Domingue fut occupée
par les Anglais de 1793 à 1798. En 1793, ils s?emparèrent de Jérémie,
le 22 septembre, du Môle Saint-Nicolas (Le Gibraltar du Nouveau- Monde),
le 25. Saint-Marc, Léogane ainsi que l?Arcahaïe passent sous pavillon
britannique en décembre. En 1794, le 2 février, Tiburon est enlevé.
Le 4 juin, l?armée de Georges III s?empare de Port-au-Prince. En 1792,
le drapeau du royaume d?Espagne flottait aux Gonaïves, aux Verrettes, à
la Petite-Rivière, au Mirebalais. Dans les zones sous occupation étrangère,
les aristocrates de la peau réinstallent l?ordre de l?Ancien Régime,
l?esclavage compris? Le territoire de Saint-Domingue ressemblait à une
courtepointe.
L?exode des colons français
L?exode des colons français s?échelonne sur une
période de treize ans, soit de 1791 à 1804. Il commence à
la suite de deux insurrections qui ont marqué les annales dominguoises :
Insurrection des esclaves du nord et Insurrection des mulâtres et des
nègres libres au Trou-Caïman.
Dans la nuit du 22 au 23 août 1791, la masse asservie,
celle que l?on définissait comme «biens meubles», ressort de sa léthargie.
Pendant quatre jours, les esclaves incendient les plantations de cannes à
sucre, les usines qui servaient à produire les immenses richesses, les
habitations. Certains historiens prétendent que les colonnes de fumée
étaient visibles des côtes de la Floride. Dans leur fureur, ils
ont appliqué la loi du Talion au pied de la lettre. Beaubrun Ardouin,
dans Études sur l?Histoire d?Haïti, tome premier, chapitre VII,
décrit en ces termes les moyens utilisés : «tuer, massacrer
leurs maîtres, les faire mourir dans des tourments qui épouvantent
le c?ur humain; ne respecter ni vieillards, ni femmes, ni enfants; empaler les
uns, scier d?autres entre deux planches, les rouer ou les brûler ou les
écorcher vifs; violer les femmes et les jeunes filles.« La riposte des
blancs fut implacable. Carnage réciproque. Selon l?auteur cité
précédemment : les blancs combattirent les insurgés
à outrance, firent pendre et rompre vifs tous les prisonniers qu?ils
faisaient. Deux échafauds pour le supplice de la roue, et cinq potences
furent dressées en permanence au Cap. Ces malheureux périssaient
dès qu?ils tombaient au pouvoir de leurs vainqueurs. Des prisonniers
eurent immédiatement la tête tranchée, d?autres furent brûlés
vifs. L?assemblée coloniale institua des commissions prévôtales
auxquelles elle donna le droit d?employer la torture pour porter les noirs prisonniers
à faire des aveux. Celle du Cap en faisait périr vingt et trente
chaque jour, dans les premiers moments de l?insurrection.»
L?enfer dantesque s?offrait à la vue de tous. La riche
plaine du Nord n?était plus qu?un monceau de ruines et de cendres. Le
Cap, «le petit Paris» des Antilles réduit à sa moindre expression. Les
blancs y trouvent refuge, soit pour surveiller la suite des évènements,
soit pour embarquer dans les bâtiments en rade.
À trois jours d?intervalle, le 26 août 1791, l?insurrection
des affranchis, nègres et mulâtres libres au Trou-Caïman,
décidée le 21, à Diègue, éclata. Ils combattaient
pour que les blancs leur reconnaissent l?égalité des droits politiques
avec eux en vertu des principes de la Révolution Française, les
décrets du 28 mars 1790 et 15 mai 1791, de même que le Code Noir
de 1685. Ils avaient formé une armée qui comptait aussi dans ces
rangs une centaine d?esclaves comme auxiliaires. Leur entreprise fut couronnée
de succès. Forts de leur victoire et de leur nombre, ils imposèrent
aux blancs de la Croix-de-Bouquets et de Port-au-Prince la ratification de deux
concordats. Un troisième, le Concordat de Damiens, signé le 23
octobre, octroyait plus de garanties à cette classe. Le tout devant être
soumis à l?approbation de l?Assemblée Nationale. Les colons de
l?ouest avalisèrent prestement toutes les conditions du traité
du bout des lèvres. Ils savaient, qu?en date du 23 septembre, l?auguste
Chambre était revenue sur les décrets mentionnés ci-haut.
Elle reconnaissait aux colons seuls le droit de statuer sur le sort de tous
les hommes de la race noir.
Les colons français emprunteront la voie de l?exil à
d?autres moments précis tels : L?appel aux Anglais (1793), la proclamation
de la liberté générale par Sonthonax (29 août 1793),
abolition de l?esclavage dans les colonies françaises par la Convention
(4 février 1794), soulèvement des Cayes (27 août 1796),
évacuation des troupes britanniques (1798), Constitution de Toussaint
(1801), l?Expédition française de Saint-Domingue, (1802), Guerre
d?Indépendance (1802-1803), massacre général des Français
(1804).
La diaspora française
Nous les retrouverons à la Jamaïque, à Cuba,
à Santo Domingo, à Curaçao, Nouvelle-Orléans, à
Philadelphie, Baltimore, Norfolk, Charleston, Géorgie, en Caroline, New
York, Boston et en ?.France.
À Cuba, ils s?installeront à Santiago-de-Cuba,
à Baraco et à la Havane. En 1809, en raison de le guerre entre
la France et l?Espagne, les ressortissants français, non-naturalisés
seront chassés. Plusieurs milliers d?entre eux s?établiront à
la Nouvelle-Orléans.
Rechercher les siens dans cette diaspora est loin d?être
une sinécure. Cependant, nous avons l?avantage de travailler sur nos
papiers de famille en étant soustraits à l?angoissant sauve-qui-peut
et à la loi inflexible du Chacun pour soi, Dieu pour tous.
Les Réfugiés de Saint-Domingue : Bibliographie sommaire
Livres
The Road to Louisiana, the Saint-Domingue Refugees (1792-1809).
Édité et annoté par Carl A. Brasseaux et Glenn R. Conrad.
Traduction par David Cheramie. Publié par «The Center for Louisiana Studies,
University of Southwestern Louisiana, Lafayette, Louisiana». 1992, 306 p.
Cette anthologie rassemble quatre textes :
From La Tortue to La Louisiane : An Unfathomed Legacy, par Thomas Fiehrer ;
The Saint-Domingue Refugees in Cuba, 1793-1815, par Gabriel Debien. Translated
par David Cheramie;
The Saint-Domingue Refugees in Louisiana, 1792-1804, par Gabriel Debien et
René Le Gardeur. Translated par David Cheramie;
The 1809 Immigration of Saint-Domingue Refugees to New Orleans : reception,
Intégration, and impact, par Paul Lachance.
Un Index des noms de personnes
Thèse non publiée
Yacou, Alain, «L?émigration à Cuba des colons français
de Saint-Domingue au cours de la révolution». Thèse de doctorat,
3e cycle, Université Michel de Montaigne, Bordeaux III. Déposée
en un seul exemplaire.
Textes ? Revues
Chasteignier, Fanny, de. «La vie de ma mère, Souvenirs,
1793-1795», Revue du Bas-Poitou, 1946, 99 25-40 et 102-112;
Chataubriand, G.de. «Les réfugiés de Saint-Domingue,
Quelques notes et documents, 1793-1914», Mém. Acad. Angers (1942) :
78-103;
Cauna, Jacques, de. «La diaspora des anciens colons de saint-Domingue
et le monde créole : le cas de la Jamaïque». Revue Française
d?histoire d?outre-Mer (RFHOM), 1994, no 304, pp 333-359;
Child, Miss F.S. «French Refugee Life in the United States,
1790-1800». An American Chapter of the French Revolution. Washington, Baltimore,
1940,
Debien Gabriel, « Les colons de Saint-Domingue réfugiés
à Cuba», Revistas de Indias-1954, p. 559-605 et 1955, p. 13-36;
Debien Gabriel, « Les colons réfugiés d?amérique pendant
la révolution», Bulletin de la Société de Géographie
de Toulouse, 1915, p. 152-158;
Debien Gabriel, « Les réfugiés et les déportés
des Antilles à Nantes sous la révolution, Maîtrise, Université
de Nantes, 1971, 136 p. dact. ;
Debien Gabriel, et Wright Ph., «Les colons de Saint-Domingue
passés à la Jamaïque (1792-1835)», Notes d?histoire Coloniale,
No 168;
Debien Gabriel, «Réfugiés de Saint-Domingue aux
États-Unis», Revue de la Société Haïtienne d?histoire
et de Géographie, vol 19, no 77;
Houdaille, Jacques A, «French refugees in the United states
1790-1810», National Genealogical Society, vol 51, december 1963, no.4;
Mc Intosh, M.E » et Webner B.C, «Une correspondance familiale
au temps des troubles de Saint-Domingue(1791-1796). Lettres du marquis et de
la marquise de Rouvray à leur fille». Revue d?histoire des colonies,
1958*, 1958, pp. 119-279;
* La revue d?histoire des colonies (1913) est devenue la Revue Française
d?outre-Mer en 1958.
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