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Les aventures de Henri Guillaume de COLMESNIL de BUSSY
Capitaine de la garde des Gouverneurs de Saint-Domingue
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Peter Frisch
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La Parenté Haïtienne de Trujillo
Guillaume de COLMESNIL de BUSSY est né
à Paris vers 1706, au temps du règne du roi Louis XIV. Il était
le fils cadet de François de COLMESNIL sieur de Lestrangère et
de Charlotte TRICOT1.
La famille de COLMESNIL, originaire d'Alençon, était de noblesse
récente. Le grand-père de Guillaume, Thomas de COLMESNIL sieur
de la Huberdière, avait été conseiller du Roi et «receveur
des Tailles en l'élection d'Alençon ».
En d'autres termes, il avait exercé le métier de collecteur
d'impôts, honorable profession au temps de la royauté. Ce fut le
père de Guillaume, qui, le premier, reçut le titre noble d'écuyer.
Toutefois, par sa mère, Charlotte TRICOT, Guillaume de COLMESNIL était
issu de la noblesse d'ancienne extraction. Il descendait des grandes et puissantes
familles de BERRUYER, de CREVANT, BRACHET, de VENDOME, de SULLY et, en remontant
plus haut dans les différentes branches de sa généalogie,
des rois de France, d'Angleterre et d'Espagne, des tzars de Russie et des empereurs
de Constantinople2. Bel apanage, à n'en point douter, en ces
temps ou être bien né comptait plus que la qualité humaine
ou la compétence.
En 1724, à l'âge de 18 ans, Guillaume de COLMESNIL entra dans la
première compagnie des mousquetaires de la garde du Roi et commença
sa carrière militaire. En 1728, il abandonna sa tenue de mousquetaire
et s'enrôla dans le régiment de cavalerie de Cossé-Brissac.
Ce fut dans ce corps qu'il servit Monsieur de Guerchy comme aide de camps pendant
les campagnes militaires de 1733 à 1735, durant la guerre de Succession
de Pologne3.
En 1736, la guerre terminée, Guillaume de COLMESNIL quitta le régiment
de Cossé-Brissac et s'en retourna à Paris. Fort de l'expérience
acquise durant les onze dernières années, il comptait pouvoir
se procurer sa propre compagnie. A l'époque, il était de coutume
que les nobles de grande famille financent avec leurs propres deniers la mise
sur pied d'un corps armé. C'était pour eux une façon de
s'acquitter de leur devoir du « don du sang » envers le
Roi. A la longue, il était devenu une question d'honneur et de prestige
que de posséder sa propre compagnie. Toutefois, le rêve de Guillaume
de COLMESNIL ne put se concrétiser. Au lendemain de la guerre, il trouva
les finances de sa famille si effondrées, qu'il ne put même pas faire
face aux frais d'un nouvel uniforme que nécessiterait son recrutement
dans un nouveau régiment militaire. En ce temps-là, l'armée
ne fournissait pas aux officiers leur équipement, qui était à
leur charge personnelle. Guillaume de COLMESNIL se trouva fort contrarié
et eut bien du mal a faire face à cette situation honteuse, humiliante
à ses yeux.
Pour bien des nobles ruinés, la planche de salut était d'aller
chercher fortune dans les colonies et pour y redorer leur blason. Ce fut dans
cet esprit que Guillaume de COLMESNIL se résolut à quitter la
France en 1737 pour se rendre à Saint-Domingue, la colonie française
la plus en vogue à l'époque et qui était le pôle d'attraction
d'une nombreuse population en quête d'un mieux être4.
Guillaume de COLMESNIL se fixa à Petit-Goâve, alors capitale administrative
de la colonie.
Trois ans après l'arrivée à Saint-Domingue de Guillaume
de COLMESNIL, son grand-oncle maternel, Aldéra Pompée de BERRUYER
de BUSSY décéda en avril 1740, sans descendance directe. Selon
le contrat signé le 19 novembre 1740 entre les différents héritiers
de feu Aldéra Pompée de BERRUYER de BUSSY, par devant Me. Bonnerot,
notaire royal à Sens, le titre noble «de BUSSY » revint
par droits successoraux à Guillaume de COLMESNIL et à son frère
aîné Paul. Dès cet instant, ils ajoutèrent à
leur patronyme ce nom de terre. Le domaine noble et village de Bussy Saint Georges,
situés non loin de Lagny, en Seine-et-Marne, à quelque vingt kilomètres
à l'est de Paris, avaient été possession de la famille
BERRUYER depuis le milieu du 16ème siècle.
En cette même année 1740, lors du déclenchement des hostilités
entre l'Angleterre et l'Espagne, annonciatrices de la guerre de Sept Ans, qui
allait mettre aux prises la France et l'Angleterre, le marquis de Larnage, gouverneur
général de Saint-Domingue, fit appel aux services de Guillaume
de COLMESNIL de BUSSY5. A ce moment là, l'Angleterre faisait
peser des menaces sur les côtes de la colonie et avait ainsi confisqué
deux navires français au large du Môle Saint-Nicolas. Une escadre
française avait été attaquée par les Anglais dans
les parages de Tiburon6. Face à ces coups de force anglais,
le gouverneur Larnage mobilisa la colonie et la mit sur pied de guerre. Dans
un mémoire daté du 20 février 1752, Guillaume de COLMESNIL de
BUSSY exposa à monseigneur Rouillé, ministre et secrétaire
d'état de la Marine, cet épisode de sa vie de soldat:
« M. Le Marquis de Larnage, notre général, lorsqu'il
fut averty que nous allions avoir la guerre m'envoya chercher à l'arrivée
de Monsieur le Marquis d'Antin, me proposa de m'embarquer en second dans le
Batteau du Roy. Je luy répondis que je n'avais point de volonté
lorsqu'il s'agissait du service du Roy. Nous joignimes à St Louis l'armée
navalle et fumes envoyé à la coste d'Espagne. »
« La maladie de Monsieur de Burgaronne commendant du dit Batteau du
Roy ne luy permettant pas d'aller de St Mathe par terre à Carthagène
m'y envoya porter les dépêches de M. Dantin. J'eus l'honneur de
conférer avec Monsieur le Marquis de Torres amiral de l'armée
espagnole. Sur le party que luy proposait de Général français,
nous fîmes deux fois le même voyage sans mauvaise rencontre. »
L'objet de cette mission avait été de sécuriser une alliance
tactique avec l'Espagne dans le but de contrecarrer la politique anglaise de
contrôle des mers.
En 1741, au début de la guerre de Sept Ans, le gouverneur de Larnage
nomma Guillaume de COLMESNIL de BUSSY aide major en charge de la milice de Petit-Goâve.
Le gouverneur général lui donna la mission de se charger de la
discipline de la milice, d'y remettre l'ordre et l'exactitude dans le service.
Monsieur de COLMESNIL de BUSSY s'y appliqua si bien, que le Gouverneur lui témoigna
publiquement sa satisfaction et le choisit comme un de ses aides de camp. A
la mort de Larnage en 1746, le gouverneur par interim de Chastenoye le conserva
dans ses fonctions.7
Durant la guerre, le renforcement des dispositifs défensifs de la colonie
avait donné aux militaires des pouvoirs immenses Michel Hector et Claude
Moïse expliquent qu'à l'époque «le militaire occupe
à Saint-Domingue une place de premier plan et y domine la vie politique
et administrative » Ils précisent encore que «l'organisation
militaire de l'administration locale rend celle-ci tyrannique aux yeux des habitants?
Les militaires commettent les abus les plus révoltants, s'immiscent brutalement
dans les affaires de la justice et, en général, considèrent
la colonie comme une place forte, et les habitants comme des soldats qui leur
doivent obéissance absolue. »8 Guillaume de
COLMESNIL de BUSSY eut certainement à commettre des actes abusifs de cette nature.
Sa formation de militaire, dans le contexte particulier de la colonie, ne pouvait
que le pousser à ce genre d'actes arbitraires.
En 1748, à l'arrivée du comte de Conflans comme nouveau Gouverneur
Général de la colonie, Guillaume de COLMESNIL de BUSSY fut remercié
de ses fonctions et alla résider à Léogane, devenu le nouveau
siège du gouvernement. Toutefois, suite au décès en 1749
de monsieur de Bavoye, capitaine des gardes du gouverneur, de Conflans nomma
monsieur de COLMESNIL de BUSSY à cette fonction.9 Ce corps
avait pour fonction d'assurer la sécurité du Gouverneur Général
et d'être à son service. Le capitaine en avait la direction.
Par décret du 26 novembre 1749, le roi de France fondait la ville de
Port-au-Prince et la portait au rang de capitale de la colonie. En mai 1750,
le gouverneur de Conflans quitta Léogane pour prendre logement dans la
nouvelle ville, qui, à ses débuts, n'était qu'un tracé
de rues et de délimitation de propriétés sur lesquelles
s'élevaient ça et là, les toutes premières maisons.
Guillaume de COLMESNIL de BUSSY suivit son gouverneur dans ce déménagement
de l'administration. Une vieille bâtisse en ruine, qui dans le temps avait
servi de purgerie à l'ancienne habitation Morel, fut réparée
et transformée en caserne pour loger la garnison10. Ce fut
dans ce logement de fortune que le capitaine des gardes s'installa avec ses
hommes.
Le 29 mars 1751, à l'arrivée du nouveau gouverneur du Bois de
Lamotte, Guillaume de COLMESNIL de BUSSY fut maintenu à son poste. Le
gouverneur suivant , Philippe François Bart, le conserva également
dans sa fonction. Guillaume de COLMESNIL de BUSSY s'appliqua si bien à
sa tâche et servit si bien ses supérieurs que le gouverneur Bart
sollicita du Ministre de la Marine que lui fut décerné la Croix
de Saint-Louis. Guillaume de COLMESNIL de BUSSY obtint cette grâce en
1760, au grade de chevalier. Toutefois, le 24 juillet de la même année,
le gouverneur Bart écrivit au Ministre de la Marine pour se plaindre
du comportement du capitaine de ses gardes, tant dans le cadre de ses fonctions
que vis-à-vis de sa personne, et qu'il s'était trouvé dans
l'obligation de le révoquer, après onze années de service
comme capitaine des gardes11. Guillaume de COLMESNIL de BUSSY quitta
alors Port-au-Prince et s'en retourna à Petit-Goâve.
Durant son séjour dans la capitale coloniale, Guillaume avait eu une
aventure amoureuse avec une mulâtresse du nom d'Elizabeth Thérèse
LEROY. Elle était née à Léogane vers 1730, fille
naturelle du lieutenant de cavalerie Pierre LEROY et de Jeanne, négresse
libre. De la relation de Guillaume et de sa compagne était né
en mai 1753 un fils du nom de Joseph, qui des années plus tard allait
devenir commissaire de police. Le 28 mai 1759 avait suivi une fille, Marie-Louise
dite Laurore, future mère du trésorier général Auguste
NAU et grand-mère du sénateur Charles BAZELAIS. Était-ce
cette aventure avec une mulâtresse et la naissance de deux enfants illégitimes
qui furent à l'origine de la dégradation des relations entre le
gouverneur et son capitaine des gardes? Il est impossible de s'en assurer, sans
pour autant écarter l'hypothèse, quand on connaît les préjugés
qui prévalaient dans la colonie. Le gouverneur Bart avait pu trouver
que cette relation d'un gentilhomme, de surcroît capitaine de sa garde,
avec une femme de couleur, était scandaleuse. Il faut aussi reconnaître,
comme il a été déjà mentionné, que les militaires
à Saint-Domingue n'étaient pas des personnes commodes. Nous pouvons
être en droit de penser que dès l'instant qu'il lui fut décerné
la Croix de Saint-Louis, cet honneur lui monta à la tête. Monsieur
de COLMESNIL de BUSSY, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis
devait avoir bien du mal à recevoir des ordres d'un supérieur
qu'il considérait à présent son égal, sinon socialement
inférieur. Il est probable qu'à partir de cet instant, il afficha
un comportement d'insubordination à l'endroit du gouverneur Bart, qui
fut contraint de s'en défaire.
A Petit-Goâve, Guillaume de COLMESNIL de BUSSY, qui avait abandonné
à leur sort sa compagne et les deux enfants qu'il avait eu d'elle, s'attacha
à une négresse libre du nom de Bastienne JOSEPH. Bastienne devait
être très éprise de son amant, car, par son testament daté
des 26 février et 6 avril 1763, elle lui légua tous ses biens
en terre, esclaves et cotons. Toutefois, quand Bastienne JOSEPH vint à
mourir, son héritier eut bien du mal à entrer en possession des
biens. Il s'en suivit une interminable procédure judiciaire, qui, jusqu'à
son décès n'avait toujours pas abouti. Guillaume de COLMESNIL
de BUSSY s'endetta considérablement dans le processus et à son
décès le 20 mai 1772, il devait à différents créanciers
l'incroyable somme de 88.660 livres. Étant décédé
ab intestat, son mobilier et ses hardes furent vendus à la criée
publique les 30 mai et 1er juin 1772, ce qui rapporta la somme de 4.453 livres.
La liquidation de la succession de Bastienne JOSEPH rapporta pour sa part 48.306
livres. Le tout ne put même pas rembourser toutes les dettes de Guillaume
de COLMESNIL de BUSSY12. Ainsi, quand son frère Paul écrivit
en 1774 au Ministre et Secrétaire d'État de la Marine, monseigneur
de Boynes, pour faire valoir ses droits sur l'habitation coloniale et la « belle
fortune coloniale » qu'avait laissé Guillaume de COLMESNIL
de BUSSY, il dut être bien étonné d'apprendre qu'il n'en
était rien et que l'ancien capitaine de la garde des Gouverneurs avait
en fait été un homme ruiné, croulant sous le poids de ses
dettes. Ainsi s'achevait la vie de ce militaire, de ce membre de la noblesse
française et descendant des plus grandes et plus puissantes familles
d'Europe, qui avait pensé qu'un petit tour aux Antilles lui aurait donné
la fortune.
Pour lui, il n'avait pas fait si bon vivre au « temps béni
des colonies ».
Généalogie de Henri François Guillaume
de Colmesnil
RÉFÉRENCES
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1 BNF, Section Manuscrits, Paris, Carré d'Hozier, Dossiers COLMESNIL, BERRUYER, CREVANT.
2- Idem.
3 Dossier personnel Guillaume BUSSY DE COLMENIL, cote E57, ANSOM, Aix-en-Provence, communication aimable de Chantal Cosnay.
4 Idem.
5 Idem
6 Colonisation et Esclavage en Haïti, Michel Hector et Calude Moîse, pp. 89, 90, 99, 108, Editions Henri Deschamps, Port-au-Prince, 1990.
7 Dossier personnel Guillaume BUSSY DE COLMENIL, cote E57, ANSOM, Aix-en-Provence, communication aimable de Chantal Cosnay.
8 Colonisation et Esclavage en Haïti, Michel Hector et Claude Moîse, pp. 89, 90, 99, 108, Editions Henri Deschamps, Port-au-Prince, 1990.
9 Dossier personnel Guillaume BUSSY DE COLMENIL, cote E57, ANSOM, Aix-en-Provence, communication aimable de Chantal Cosnay.
10 Port-au-Prince au Cours des Ans, Tome 1, Georges Corvington, p. 35, Imprimerie Henri Deschamps, Port-au-Prince, 1992.
11Dossier personnel Guillaume BUSSY DE COLMENIL, cote E57, ANSOM, Aix-en-Provence, communication aimable de Chantal Cosnay.
12 Idem.
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