Les Registres de l'État Civil de Jérémie aux Archives Nationales d'Haïti

Didier Gilles

Les registres d'État civil de la commune de Jérémie1 sont malheureusement peu nombreux, contrairement à ceux de Port-au-Prince. Ils souffrent, à l'instar de ces derniers, de l'outrage du temps : pages illisibles, registres réduits en poussière et aussi de l'indifférence sociale : années non répertoriées, série incomplète. Autant de contrariétés entravant les démarches du chercheur.

Le plus ancien registre de Jérémie est un registre de mariage contenant les années 1825-26-27-28. Aucune trace de registre pour la période post-Indépendance (Dessalines, Pétion ) .

Cet article se limitera aux années 1825-1855 2. Les registres sont tantôt rédigés par les membres du Conseil des Notables ou tantôt par le maire de la Commune ( et ses adjoints). Dans l'ordre de leur succession suivent les officiers : Jean CAZEAU, Jean-Baptiste DUMON, Pierre MONTÈS, Jean-Marie DUBOIS, Charles GINGIN, Étienne Léo PARET, Honoré FÉRY, Gaston MARGRON fils, François BALMIR, Edvin LÉPINE, Durin MÈGE, Valmé LIZAIRE, Jean OCCENAD, Joseph ROBLIN, LÉLOND Aîné, Étienne LÉANDRE.

Inutile de préciser que la quantité de renseignements que les chercheurs pourraient puiser de ces registres est tout à fait extraordinaire ! On n'a pas seulement les actes eux-mêmes avec les noms, les dates... qui sont de première importance pour les études généalogiques, mais on retrouve aussi des informations, des données inédites qui feront à coup sûr les joies du simple chercheur, de l'historien et même du sociologue. On pourra ainsi avoir une idée sur l'importante communauté étrangère vivant à Jérémie, sur les activités des négociants consignataires ou encore sur leurs Grâces Messieurs les nobles de SOULOUQUE...

Cette abondance de renseignements de première main attend donc d'être sérieusement traitée. Chercheurs, généalogistes de métier, historiens originaires de Jérémie.....à vos marques !!!

Les étrangers

Au 19ème siècle, Jérémie, située à l'autre bout de la République, était une ville pratiquement isolée. On peut donc être étonné de découvrir qu'il existait, malgré cet isolement apparent, une assez importante communauté étrangère domiciliée ici.

Ainsi y rencontre-t-on de nombreux citoyens américains résidant pour la plupart dans la région de la Grande Rivière comme les JAMES, les KELTEN, les KERRY, les JONHSON, les ADAMS, les BOYLE, les COOPER, les WILSON, les CALWELL, les WESS, les BRADFORD, les LEAGROVES3 .... se mariant entre eux et venant soit de Pennsylvanie, soit de Philadelphie . On en retrouve d'autres qui se sont unis à des haïtiennes comme Thomas B. SMITH, William S. MC CULLOH, Joseph STOODLEY, Philippe BRIDGMAN et qui ont même eu des activité non commerciales, tel un James Lee IRISH « défenseur public près du tribunal du département du Sud », ou le très connu docteur LOVELL.

Ce citoyen américain, docteur en médecine, né à Claremont, est venu s'établir à Jérémie en 1833. Il fut le petit-fils de Michael LOVELL, capitaine d'Infanterie dans la Guerre de L'Indépendance des États-Unis. Tombé amoureux de Jérémie, il y fonda à ses frais personnels une maison de santé pour la population et s'attacha à Mlle Élisabeth GAVEAU de laquelle il eut, croit-on, quatre enfants. Seule l'aînée, Caroline, atteindra l'âge adulte et deviendra par la suite Mme Alexandre Demosthène GOSTALLE. Porter Kimball LOVELL mourut malheureusement un peu trop tôt, le 18 novembre 1845, à l'âge de 35 ans.

On note aussi d'autres étrangers comme Philippe J. BOSSÉ de Hollande, Georges BANKS d'Écosse, Nathaniel ALLEN d'Angleterre, Thomas GASKINS de l'Île de La Grenade.... et des citoyens français tels : Louis Jacques Désiré MARAIS, Philippe Mélidor DESQUIRON, Joseph et Antoine SAVONA, Moïse GOSTALLE, Arlet Antoine (Cadet) MÈGE (de Bordeaux) et David SANSARICQ (de Bayonne).... ce petit français des Basses-Pyrénées, corsaire selon la tradition, laissa en Haïti une descendance pléthorique plus qu'intéressante. 4

La plupart de ces étrangers sont morts à Jérémie, au milieu des familles qu'ils y avaient fondées. A part DESQUIRON qui fera voile plus tard vers Port-au-Prince, puis Cuba, les autres ne retourneront plus jamais chez eux, trop envoûtés peut-être par le sourire des belles femmes et par les charmes d'une nature jérémienne plus qu'enchanteresse .....

Par le jeu des alliances entre ces étrangers et les familles jérémiennes de souche, elles-mêmes très métissées ( elles avaient une origine française pas trop lointaine), on se retrouve au c?ur de cette « mutation » qui donnera naissance à la très réputée petite société mulâtre de Jérémie, rongée, dit-on, par le préjugé de couleur, aux membres à la solidarité exemplaire et, avec des liens de parenté à n'en plus finir....

Négociants et commerçants

Jérémie a toujours porté, jusqu'à la moitié du 20è siècle, le qualificatif de ville marchande. La fortune de nombre de ces grands « chabraques » ndlr * de la Basse-Ville s'est bâtie sur le commerce, plus précisément l'exportation de denrées ( café surtout ). Tout notable qui se respecte , même s'il est un fonctionnaire de l ' État, mène à côté, des petites activités commerciales.

Pour cette période (1825-1855), on rencontre les commerçants proprement dit, chargés de l'écoulement des produits; et les négociants consignataires 5, qui sont leurs fournisseurs. Ceux-ci reçoivent directement les produits des navires marchands par l'entremise du directeur de la Douane du port ou de son commandant.... Ces activités commerciales, juteuses pour un ROUSIER, un BLANCHET ou un GOSTALLE, n'étaient pas , (disons-le tout bas !... ) à l'abri des fraudes et de la corruption.

PÉAN nous informe :

« le commerçant étranger arrivant en Haïti jouaient à la roulette et dépendait du sort et du pouvoir discrétionnaire du commandant militaire du port, pour savoir quel commerçant local serait habilité à traiter avec lui pour acheter et vendre sa cargaison. »

Et plus bas :

MADIOU explique le cas « où deux bateaux étant à l'horizon et se dirigeant vers un port ouvert au commerce extérieur, un négociant s'empressait d'aller en toute hâte voir le commandant du port pour lui offrir la moitié ou le quart de sa commission s'il acceptait delui assigner le bateau avec la plus grande cargaison. » 6


À côté des liens de parenté, on comprend alors, à travers les actes civils, pourquoi les commandants militaires semblent entretenir de si bons rapports avec les commerçants et négociants consignataires. Les signatures des uns se retrouvent au bas des actes de mariage des autres, et les autres sont parrains ( et leurs épouses ou parentes) marraines des enfants des uns .... :

  • Honoré FÉRY , trésorier de l ' État, témoin de la déclaration de naissance de Pierre Eugène MARGRON o 10 sept. 1829 de François Sébastien Gaston MARGRON, commerçant et de Euphigénie [?] MORON .

  • Victorin Nolape SEGRETIER, général de Brigade et commandant l'Arrondissement de Jérémie, parrain de Victorin BRIDGMAN o 31 oct. 1831 de Suzanne COLIMON et de Philippe BRIDGMAN , négociant consignataire.

  • Théophile Adrien BLANCHET, négociant consignataire, parrain de Isembert BALMIR o 1835 de François BALMIR , général de brigade et administrateur des finances de la commune et de Pélagie BERNARD.

  • Gabriel DUQUELLA, lieutenant-colonel d'artillerie du Sud, témoin de la déclaration de naissance de Emmanuel Baptiste Rosier DÉCOSSARD o 29 avr. 1836 de Rosier DÉCOSSARD, directeur de la douane de Jérémie et de Marie Françoise Clercine SAINT-CLAIR.

  • Jean-Baptiste HUGON, employé à la douane et Théophile Adrien BLANCHET négociant consignataire, témoins, et André DUBUIS , employé à la douane de ce port, parrain de Marie Claire MC CULLOH o 24 déc. 1836 de Marie Antoinette GEOFFROY et de William S. MC CULLOH [étranger].

  • Arthur ROUSIER, commerçant, parrain de Marie Thérèse WOËL o 23 nov. 1845 de Woëlson WOËL, directeur de la douane de ce port et de Antoinette PARET.

  • ... Woëlson WOËL déclarant le décès de Alexandre DUCOUDRAY 7 à 60 ans le 31 déc. 1845 [ M. DUCOUDRAY est propriétaire de navires] .


Et on pourrait continuer ainsi, ad infinitum !

Faisons remarquer que du côté haïtien , ce groupe de négociants et de commerçants semble ne se recruter que dans la fraction mulâtre de la notabilité jérémienne ...

Du côté étranger, les ressortissants français sont les plus nombreux, viennent ensuite les anglais et les américains. Du côté français on peut citer les noms des frères Antoine et Joseph SAVONA, Moïse GOSTALLE (représentant du gouvernement français), GOUBEAULT et DÉJARDIN.

La maison GOUBEAULT et Cie fera de très bonnes affaires sous le gouvernement de GEFFRARD et sera représentée et à Jérémie et aux Cayes, de même que la maison ROUSIER.

A l'origine de la maison DÉJARDIN se trouve Jules DÉJARDIN. N'est-ce pas lui, aidé de son associé DESÈVRES, qui fournira garde-robe, ornements et décorations à la nouvelle cour de SOULOUQUE ? Il est aussi à l'origine d'une famille allemande qui a, si on peut dire, marqué notre histoire : les LÜDERS.8

Citons au passage quelques négociants consignataires et commerçants : François Sébastien Gaston MARGRON père, Maximilien Louis Augustin Séverin Sémexan ROUSIER père, Antoine Théophile Adrien BLANCHET père, Louis Honoré CHASSAGNE, Numa PARET fils, Pierre Joseph Sinéas LARAQUE, Antoine Sylvestre Léonidas LARAQUE, Théodule Alphonse TABUTEAU, Jean-Pierre Aimé MERCERON, Hyppolite LAFOREST...

L'essor du commerce jérémien ne sera vraiment effectif que vers la fin du siècle, époque où la ville sera plus ouverte qu'avant au reste de la République. D'ici là les bonnes affaires ne manquent pas... et, les alliances entre familles de négociants-commerçants continuent...

Petit bonheur

De tout petits faits qui sortent de l'ordinaire, tout ce qui paraît inhabituel ou exceptionnel, voilà ce qui fait le petit bonheur des chercheurs et généalogistes ! Employer le mot « joie » , ne serait-il pas inapproprié ? Ne dirait-on pas que les généalogistes ...JUBILENT ?!?!

Quel verbe !...comme ....Jubiler !

Jubiler : pour le tout premier acte de mariage existant et disponible pour Jérémie, son caractère apparemment exceptionnel ... :

Du 28 Avril 1825 : Au bureau du dit État civil est comparu : Jean Pierre PAUVERT dit Robin habitant à la Guinaudée, natif d'Affrique [sic], âgé d'environ 56 ans, agissant et stipulant pour lui et en son nom d'une part,
Et la citoyenne Marie Magdeleine PAUVERT aussi native d'Affrique[sic], âgée d'environ 50 ans. En présence de : Charles GINGIN juge au tribunal civil , 50 ans, et MICHEL fils 28 ans.
Ils légitiment : Gabriel , François, Coquet, et Candio PAUVERT «  issus de leur union naturelle et de leurs ?uvres enticipés [sic] »
Et à chacun de déclarer «  à haute et intelligible voix » qu'il désire prendre pour légitime époux, épouse........etc..
Les époux ne signent pas; ont signé : BRAS, GINGIN, MICHEL fils, CAZEAU officier.

Encore un autre mariage de « natifs d'Afrique » :

Du 23 juin 1825 : Paul HOUDARD habitant à la ravine à Charles, originaire d'Afrique, 58 ans
Et Marie Françoise HOUDARD, aussi originaire d'Afrique, 60 ans.
Ils légitiment : Dieudonné PAUL 25 ans, Pauline PAUL 20 ans, Jean Baptiste PAUL 14 ans, et ils adoptent «  la citoyenne «  Marie IBO , originaire d'Afrique »  pour leur propre enfant »......

A remarquer pour cet acte que les enfants portent le prénom du père comme patronyme.


Mais voilà LE Vrai Bijou Du Registre ! Un acte de mariage passé en Russie et retranscrit dans l'État civil jérémien !  :

Du 4 déc. 1826 : Extrait Des registres de mariages de la paroisse catholique de la ville de Crozstadt en Russie.

Mariage du 11 Août 1824 :
Joseph Emmanuel PLANTAIN docteur en médecine , né à Bordeaux le 19 Août 1797, fils légitime de Jean PLANTAIN et de Marie BONNEAU son épouse se marie à : Éléonore VOLSK née à Varsovie en 1801, Veuve du sieur Joseph GLAGOWSKY colonel décédé en Août 1821.... Témoins : Pierre Jean BOZET de Rouen , Théodore GALOPIN , capitaine de navire marchand français de Rouen , Pierre JEAN, capitaine du navire français «  Charlotte et Louise «  de Calais.


L'acte porte plusieurs notes : celle du consulat général de France en Russie, de l'agent du consulat M. SABIN, note passée à St Petersbourg le 13 Août 1824, signé par Louis CASAS et «  revêtu de son cachet avec les trois fleurs »....

Il y a encore un autre mais que nous n'avons pas relevé : un contrat de mariage passé à Baltimore entre Jacques Aimé DUBOIS et Marie Madeleine DUPEYRAT  : parents du futur ministre de l'instruction publique : François Élie DUBOIS.


Le pigeonneau

Dans les registres de naissances, peu de choses sur lesquelles s'extasier, rien de nouveau sous le soleil ! Sauf deux lettres insérées dans les pages mêmes des actes et nous renseignant sur plusieurs éléments....  Le premier est tout à fait intéressant , voyons :

Églantine,
Chéri m'a remis hier, le billet que vous m'avez écrit, m'annonçant la fièvre de Paul Émile de votre intention de le présenter aux fonts de baptême.

Sans mon état de grande faiblesse, résultant du violent accès de fièvre que j'ai eu hier, je serai descendu ce matin. Néanmoins si vous pensez qu'il soit nécessaire de le baptiser aujourd'hui même, vous pouvez vous présenter devant l'officier public, chargé de l'état civil à qui je fais la déclaration suivante : je déclare que l'enfant mâle qui lui sera présenté par mademoiselle Églantine FAVARANGE, est mon enfant, né de ma cohabitation avec la dite demoiselle Églantine FAVARANGE, sa mère. Les témoins que je produits sont messieurs Hernest LARAQUE et ALCIDE jeune. Le parrain est Léonidas LARAQUE et la marraine , vous la choisirez, quoique je souhaite que ce soit mademoiselle Tourterelle.

Tout à vous,
Étienne Léo PARET

Dame, 3 Juin 1848

Comme on peut le voir ceci est la lettre que devait remettre Mlle FAVARANGE vu l'absence du père de l'enfant pour la déclaration de naissance ; c'était ainsi, sinon l'enfant était de facto enregistré sous le patronyme de la mère. Le père devait fournir une note écrite ou mandater par écrit, ici, encore, quelqu'un pour déclarer la naissance de l'enfant. Que de tracasseries !

Les occupations

Bien que Jérémie soit une ville mercantile, il ne faudrait surtout pas conclure que toute la ville se livrait au commerce !


Les militaires

On retiendra à travers les actes d'État civils que beaucoup de jérémiens sont enrôlés dans l'armée, plus précisément dans les 17e et 18e régiment.

On peut citer les plus connus, les haut-gradés comme : Jean-Baptiste Philizaire LARAQUE, capitaine-commandant du poste militaire des Roseaux (Conseiller d'État en 1845), Antoine PARET colonel, beau-frère du précédant ( Sénateur en 1838) ; et le fils du comandant LARAQUE : Philippe Philibert LARAQUE, colonel et commandant de la place de Jérémie, tout comme Félix LIZAIRE; Jean Hilaire CAYEMITTE général de Division et son frère Déjon CAYEMITTE, sergent-major de la police, chef de bataillon; François BALMIR général de division ( Conseiller d'État en 1846); Jean Charles VORBE, capitaine de la Cavalerie; Gabriel DUQUELLA, directeur de l'arsenal, commandant d'artillerie, le colonel Élie LARTGUE ( député) ..... Citons encore quelques uns, de simples officiers, comme : Georges PHILIBERT officier au 18e régiment, Léon VORBE, soldat à la gendarmerie du Sud; Maximilien Louis Arthur ROUSIER, major d'artillerie, Guillaume BESSON, officier au 17e régiment; Jean Michel PHILIBERT, quartier maître au 17e régiment, Louis Joseph LATAILLADE, capitaine d'infanterie au 18e régiment......


Les fonctionnaires


Après les militaires viennent ensuite les fonctionnaires de l'État : Jacques Honoré FÉRY trésorier de l'État et son fils , Athanase Alibée FÉRY, employé au trésor. Wilson PHIPPS ( futur beau-père du Président BOISROND-CANAL ) ou Antoine Cadet FOUCHARD : commissaires du gouvernement. Des notaires publics comme Charles BONCY ou Thomas GASKINS. Jacques VILLEDROUIN, Étienne FOURCAND, Benjamin CHASSAGNE, François DROUIN et son fils Dorson DROUIN, Jean-Baptiste Alphonse TABUTEAU, Clément MARTINEAU, Jean-Baptiste LARAQUE cadet..... ils sont tous juges au tribunal civil de Jérémie. Ensuite les « défenseurs public », ce qui voulait dire avocat à l'époque : François Élie DUBOIS, Sainte-Croix LARAQUE ( fils du juge LARAQUE), Jean-Baptiste MAUCLAIR, Durin MÈGE , Valmé LIZAIRE
( fils du commandant Félix LIZAIRE) .


Métiers


On rencontre les métiers suivants : un orfèvre comme Cadet FOUCHARD ou Évrard DUPOUX, un mécanicien comme Charles Alexandre Symphor SANSARICQ ( fils du corsaire ), un bijoutier comme Antoine Ménélas DANDRESSOL, un liquoriste comme Louis Albaret MARAIS, un cigarrier comme CHASSAGNE fils, des menuisiers comme Gérard DÉGRAFF, Jean-Baptiste MÉTIVIER et Gustave BRIERRE; des pasteurs ( ils sont américains ! ) comme : William BRADFORD et Major LEAGROVES. Des arpenteurs publics comme : Antoine LAFOREST, Jean Louis CAZEAU, Xavier DANNEL ou Georges PHILIBERT. Des médecins ( pas nombreux ) comme : Joseph MAGLOIRE, Emmanuel PLANTAIN ( français, médecin en chef de l'Hôpital militaire de Jérémie) ou pharmacien comme François HYPPOLITE.....

Les femmes ont aussi des occupations. Si la majorité demeure au foyer et que celles de la campagne sont tout bonnement déclarées « agricultrices »; certaines de la ville aident leurs compagnons dans leurs activités commerciales ou vendent des produits au marché . On relève ainsi les noms des marchandes publiques comme : Élisabeth Dinette MOUSSIGNAC ou Miladie DESBARRAS et des commerçantes comme Élisabeth CAZEAU et même consignataire comme Vve GOSTALLE née Rosella LARAQUE...

Au prochain numéro, à la Rubrique «  Les Trouvailles de Didier » nous vous publierons une Table Des Occupations pour cette période 1825-1855.

Vivat Imperator !


.... Et la République redevint Empire....

Le 24 Avril 1852, Faustin SOULOUQUE est sacré Empereur sous le nom de FAUSTIN 1er .

A Port-au-Prince, c'est la cour au protocole très stricte qui donne le ton... et le bon , s'il vous plaît !... A ces dîners fastueux , leurs Grâces les Monseigneurs n'avaient le droit de rire tout autant que le grand Chambellan ne se fut écrié : Sa Majesté rit. Riez messieurs !...9

Aussi Jérémie devait-elle se mettre immédiatement au pas; s'accommoder au nouveau statut du pays et... des citoyens. A partir de cette année de Grâce 1849, An Premier du Règne de sa Majesté L'Empereur , il est intéressant de relever les noms de ces citoyens et citoyennes , oh ! pardon ! , on voulait dire de leurs Grâces... , formant la petite « noblesse » de Jérémie.

Vient en premier lieu, à tout Seigneur tout honneur ! ,

Sa Grâce Le Monseigneur Jean Hilaire de CAYEMITTE, Duc de La Grand'Anse, haut gradé de l'armée, né à Jérémie vers 1794, commandant de la deuxième Division militaire du Sud; et ses fils les barons Raphaël Hilairemont de CAYEMITTE et Jean-Baptiste Débarin de CAYEMITTE ; ensuite... Monsieur le baron et Mme la baronne de GAS, les barons Gilles Laurent de LESTAGE, procureur impérial, Gérard de DÉGRAFF, représentant du peuple, Antoine de LAFOREST, Brigadier des Armées de L 'Empire et aide-de-camp de Sa Majesté Impériale, Barthélemy de GUILBAUD, Brutus de RÉMY... Les Chevaliers : Alphonse de TABUTEAU, d'AZOR fils, Richmond de ROUSIER et enfin Arthur de ROUSIER, aide-de-camp du Duc de la Grand'Anse...

Certains de ces monseigneurs, non encore tombés en disgrâce, semblent entretenir de très bonnes relations avec leurs Majestés Impériales, tel un Duc de la Grand'Anse donnant pour parrain et marraine à son fils Faustin Ulther, leurs Majestés L'Empereur et l'Impératrice :

  • Acte de naissance de Faustin Ulther de CAYEMITTE o 10 déc. 1849, fils naturel du Monseigneur Jean Hilaire de CAYEMITTE et de Eucharis GEOFFROY. Témoins : les barons Gérard de DÉGRAFF et de GAS aîné . Parrain et marraine : FAUSTIN 1er Empereur d'Haïti et Sa Majesté Adélina , Impératrice D'Haïti....


Mais non ! il n'y a pas que le nobles à encenser Papa SOULOUQUE , mêmes les « roturiers » se mettent de la partie :

  • Acte de naissance de Marie Rose WOËL o 25 déc. 1852, fille légitime de Vital WOËL et de Aurélia KERLEGAND. Témoins : Desaix Jean PAUL et GUILBAUD fils; marraine : Marie Rose CHARPENTIER et parrain : Sa Majesté FAUSTIN 1er Empereur d'Haïti .


Tous ces fastes, pompes, magnificences et luxe continueront jusqu'au jour où Fabre N. GEFFRARD, ci-devant Duc de TABARRE, mettra fin à ce beau rêve... Croix d'honneur , prérogatives, titres de noblesse ne trouveront leur place que dans les greniers , les « chamottes » ndlr** , au fond des vieilles malles de famille, pour peut-être ne plus jamais en resortir.

Voilà tout ce qu'on peut tirer (et même plus encore !...) de ces vieux registres de Jérémie, couverts de poussière et quasiment oubliés dans les rayons des registres aux Archives Nationales... Au prochain numéro, nous aborderons les actes eux-mêmes, nous vous publierons les trois types d'actes : naissance, décès, mariages. Et là, on espère dépasser le cap des deux cents..... Alors là, vous, lecteurs d'origine jérémienne, je suis sûr que vous ..... jubilerez !


NDLR * : « chabraques » : potentats.
NDLR ** : « chamottes » : (chambres hautes), chambres à l'étage.

RÉFÉRENCES

1. Dans la section historique des Archives Nationales D'Haïti à Port-au-Prince

2. Car à part un registre de mariages de 1875-76. Il existe une lacune séquentielle qui couvre les années de 1855 à 1884

3. Bradford et Leagroves étaient des pasteurs Méthodistes.

4. Descendance qui n'a, malheureusement, pas encore fait l'objet d'une étude approfondie.

5. Dessalines établit le système de monopole des négociants consignataires par le décret du 6 Septembre 1805, voir Leslie J. R. Péan  «  L ' Économie politique de la Corruption, de Saint-Domingue à Haïti, 1791-1870 » Éditions Mémoires, 2000 p.142

6. voir PÉAN, idem , p.142

7. Il y avait là un lien : M. DUCOUDRAY avait épousé une LARAQUE et Joseph Woelson WOEL avait épousé lui une PARET, fille d'une LARAQUE.

8. Voir Solon MÉNOS «  L ' Affaire LUDERS « . Par sa fille Clémence Eulalie DÉJARDIN, Mme Théodore LUDERS, Jules DÉJARDIN est le grand-père de Émile LUDERS.

9. in Georges CORVINGTON « Port-au-Prince au cours des ans », t.3, p.114, Éditions DESCHAMPS 1974.